Elle et lui
Cute girl (1980) de Hou Hsiao-Hsien avec Feng Fei-Fei, Kenny Bee. (Éditions Carlotta Films). Sortie en salles le 3 aout 2016
Soyons honnête : si elle n’était pas signée Hou Hsiao-Hsien (il s’agit de son premier film), il est probable que nous n’aurions jamais vu cette aimable comédie romantique en France. Situé dans les milieux aisés de Taïwan, le film repose sur des schémas classiques et immuables : une jolie jeune femme doit effectuer un mariage de raison et attend que le fiancé que sa famille a choisi pour elle revienne de France où il effectue ses études. Lors d’un séjour à la campagne, elle s’entiche d’un jeune géomètre dont elle va bien entendu tomber amoureuse…
Pour quiconque connaît un peu le cinéma d’Hou Hsiao-Hsien, la découverte de Cute girl est un grand choc culturel : scénario à l’eau-de-rose sans grand intérêt, agrémenté de tubes pop sirupeux et n’hésitant pas à recourir à des gags plus ou moins fins. Mais après tout, on se souvient qu’à ses débuts Ozu cherchait à faire rire le spectateur avec des pets alors pourquoi s’étonner qu’Hou montre les effets d’une potion laxative lors d’une scène assez drôle ?
D’autres gags plus légers, comme ceux qui ouvrent le film (les deux futurs tourtereaux enlèvent leurs chaussures au travail et se trouvent ainsi dans une situation embarrassante), permettent au cinéaste de lier dès les premiers plans le destin du couple pour le sceller ensuite à la campagne, sur le tronc d’un arbre.
Cute girl se déroule en trois temps : rencontre placée sous le sceau d’une certaine animosité (le géomètre vient prendre des mesures pour une route qui doit couper une maison en deux) puis de l’amour naissant, retour à la ville avec ce que cela suppose d’obstacles (familiaux, le retour du fiancé) et, enfin, résolution heureuse. La faiblesse du film, c’est que rien n’existe (ou presque) autour de ce schéma narratif très carré (qui permit au cinéaste de connaître un immense succès à Taïwan) : les rapports ville/campagne sont à peine effleurés, les familles respectives des protagonistes sont réduites à quelques silhouettes…
Pourtant, le film distille un certain charme enjoué : la mise en scène privilégie le rythme et ne néglige pas quelques jolis moments sentimentaux (la première rencontre sous « l’arbre des amoureux »), les deux comédiens principaux ont beaucoup de charisme et la petite touche d’exotisme kitsch du film (le faux duel fantasmé entre les deux rivaux masculins) fait que l’on ne s’ennuie pas une seconde.
Bien sûr, Cute girl est une œuvre mineure à réserver aux fanatiques du cinéaste mais cette découverte des premiers plans tournés par le grand Hou Hsiao-Hsien a quelque chose de rafraichissant…