Lexinéma (2019) de Christopher Marco (Lobster éditions, 2019) Sortie en librairie le 22 novembre 2019

 

Le mot et l'image

Une réplique percutante, une image indélébile, une scène dont on connait tous les secrets et qu’on rejoue par cœur : quoi qu’en disent certains universitaires desséchés et idéologues à la petite semaine, le cinéma reste avant tout une expérience profondément fétichiste.

Outre celle des images en mouvement, Christopher Marco a une autre passion : celle des mots et plus particulièrement les mots rares, insolites ou tombés en désuétude. Il a alors eu l’idée de coupler ces deux inclinations pour nous proposer un lexique de termes peu courants (qui peut me dire, sans recours à un dictionnaire ou à un moteur de recherche ce que signifie « Lansquiner », une « Halitose », ou la « Nostomanie » ?) même si certains restent relativement connus (« Kyrielle », « Nubile » ou encore « Sapidité »).

A chaque terme est associée l’image d’un film qui joue un rôle d’illustration littérale, de contrepoint ironique ou d’exagération pour créer un décalage. Prenons quelques exemples : au nom féminin « Ache » qui désigne une « plante de couleur verte proche du persil » est associée l’image du petit garçon du film de Losey Le Garçon aux cheveux verts. Si cette entrée se contente d’une illustration classique, d’autres jouent beaucoup plus la carte de l’exagération et du décalage. Si un « Abat-faim » qualifie normalement une « pièce de résistance servie au commencement d’un repas », l’image représente cette fois Charles Bowers avec un masque à gaz devant un plateau de fromages et tenant en joue avec son revolver les coupables desdites mauvaises odeurs ! Citons également le mot « Uxoricide » (le meurtre d’une femme par son époux) accolé à une image géniale de Faut-il les marier ? de Pierre Billon et Carl Lamac où l’on voit un homme s’apprêter à sauter sur une planche alors que sa femme (?) se tient debout, de l’autre côté de ladite planche ! Pour illustrer ces entrées, Christopher Marco a souvent recours à des plans venus du cinéma burlesque (Keaton, Chaplin, Harold Lloyd, Bowers, Fatty Arbuckle…) et son Lexinéma doit beaucoup à ce genre cinématographique : le côté désuet et insolite des termes se mariant particulièrement bien avec les situations décalées, absurdes et « hénaurmes » du cinéma burlesque.

Pour cela, l’auteur a puisé dans le catalogue des éditions Lobster qui sauvegardent et parfois restaurent tout ce patrimoine cinématographique. Ce lexique est donc une invitation à voyager dans une histoire du cinéma moins familière (même si certains titres sont de grands classiques vus et revus) et à rêver à nouveau autour de ces fragments venus d’une galaxie lointaine. Alors certes, on me dira que cet ouvrage se lit en 30 minutes mais comme tous les beaux livres, son intérêt vient aussi de son petit goût de reviens-y et gageons que tous ceux qui l’auront entre les mains prendront un grand plaisir à venir y picorer régulièrement quelques définitions ou à rêvasser autour des images de certains films méconnus…

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