Sévices à la prison de femmes (1984) de Gianni Siragusa avec Ajita Wilson

Visages du cinéma italien - 6 : Le "W.I.P" film

Parmi toutes les catégories de ce vaste continent que constitue la « sexploitation », le « W.I.P film » (pour « Women in prison) est sans doute la plus féérique. Une source vivifiante d’émerveillement qui vous consolera à jamais des tweets d’Eric Naulleau et des calomnies de Gérard Darmon. On en arrive même à se demander si la prison comme lieu cinématographique ne constituerait pas une sorte d’idéal pour tout metteur en scène. Un lieu clos, des personnages entièrement soumis à une volonté extérieure et devant développer des trésors d’ingéniosité pour y échapper (Cf. Le Trou de Jacques Becker) et même un symbole de la condition humaine d’un point de vue métaphysique (Un condamné à mort s’est échappé de Bresson).

Trêve de lyrisme et de plaisanteries : le « W.I.P film » est surtout un (sous)-genre assez youpitant pour ses codes immuables qui le rapproche de la BD pour adultes (style Elvifrance) et qui saura satisfaire les pulsions scopiques du spectateur adepte du croustillant (essentiellement mâle, il faut bien l’admettre) : scènes de douche collective pour les prisonnières, matonnes cruelles, châtiments sadiques pour les plus récalcitrantes, crêpages de chignons entre détenues et parenthèses tendresse lorsque les filles se livrent à de doux ébats pour échapper à leur misérable condition… Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce cadre hyper-convenu n’a pas donné lieu qu’à des navets. Sans être un chef-d’œuvre ni même une œuvre majeure du cinéaste, un film comme 99 femmes de Jess Franco est tout à fait estimable. En revanche, lorsqu’on commence à se tourner vers les artisans filous du cinéma italien, il y a des chances que ça devienne redoutable (et donc particulièrement jubilatoire).

Tourné par le mystérieux Siragusa (5 long-métrages inconnus de notre part auxquels on peut ajouter un téléfilm et un film vidéo visiblement consacrée – merci IMDB- au fameux monstre de Florence cher à notre ami David Didelot), Sévices à la prison de femmes est sans doute l’un des crus les plus ridiculement grotesques du filon. Un navet XXL qui frise le dadaïsme tant il est nul et tourné en dépit du bon sens (ajoutons que la vision d’une copie tirée vraisemblablement d’une VHS – mais la qualité n’était pas si mauvaise- approximativement doublée en français ajoute au caractère extravagant de l’ensemble).

Pour enquêter sur la mort prétendument accidentelle de sa sœur (oui enfin, elle a été écrasée en compagnie de son amant par une pelleteuse dans leur voiture : on se demande bien qui a pu croire à un « accident » !), une jeune femme se laisse enfermer dans une prison pour entrer en contact avec une prisonnière qui pourrait témoigner sur ce meurtre.

A partir de ce point de départ hautement improbable, Siragusa déroule le cahier des charges attendu (voir plus haut) avec une absence de compétences qui force le respect : comédiens plus nuls les uns que les autres, prisonnières aux brushings impeccables et vêtues de minijupes affriolantes, montage à la truelle et je crois qu’aucun plan n’est même à peu près cadré (bon, il se peut que la version VHS soit responsable de ces recadrages sauvages). Le film est surtout d’une sagesse désespérante (on est loin des déviances crapoteuses du Horreurs nazies de Sergio Garrone que je cite car le cinéaste aurait participé – sans être crédité- au scénario de Sévices à la prison de femmes), se contentant d’alterner les scènes érotiques softs et molles (se limitant généralement à des femmes se mordillant les tétons) et des scènes de sévices très édulcorées également (quelques prisonnières sont néanmoins marquées au fer rouge, ce qui est la moindre des choses).

Bref, c’est archinul. Seuls les fans hardcore de séries Z auront à cœur de jeter un œil à ce machin, notamment parce qu’ils y retrouveront Ajita Wilson, la célèbre actrice brésilienne transsexuelle qui hanta le cinéma bis européen (on a pu la voir dans Sadomania de Jess Franco et La Guerre des gangs de Fulci) à partir du milieu des années 70. Elle finira sa carrière dans le cinéma X avant de disparaître prématurément à 37 ans en 1987. 

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