L’Incroyable Alligator (1981) de Lewis Teague avec Robert Forster, Robin Riker, Henry Silva

Alligator 2 : la mutation (1990) de Jon Hess avec Joseph Bologna, Dee Wallace

(Éditions Carlotta Films)

© Carlotta Films

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Si Spielberg n’a jamais été un inventeur de formes, il faut bien lui reconnaître, en cinéaste néoclassique, d’avoir ravivé certains filons du grand cinéma classique hollywoodien comme le film d’aventures avec la saga Indiana Jones ou la série B fantastique ou de science-fiction avec Jaws. Tombés en désuétude depuis la fin des années 50 où ils connurent une sorte d’âge d’or (Them de Gordon Doublas, Tarantula de Jack Arnold…), les films mettant en scène des animaux monstrueux redevinrent à la mode après le passage du requin tueur de Spielberg. Des plus grosses (Orca de Michael Anderson) aux plus petites (les fourmis de Saul Bass dans Phase IV) en passant par le sanglier géant de Razorback (Mulcahy) ou le crocodile du Crocodile de la mort de Tobe Hooper, les bestioles en tout genre envahirent à nouveau les écrans de cinéma.

Lewis Teague opte pour un alligator géant hantant les égouts de Chicago. Avant toute chose, notons que le cinéaste récidivera avec les bestioles belliqueuses en adaptant le Cujo de Stephen King et son gros chien enragé. Ici, il fait appel au scénariste John Sayles (déjà auteur du script de Piranhas pour Joe Dante) et l'on retrouve dans L’Incroyable Alligator tous les motifs qui firent les riches heures de la série B hollywoodienne des années 50. Si le reptile se retrouve dans les égouts, c’est qu’un père de famille ulcéré subtilise le bébé qu’avait adopté sa fille pour le jeter dans la cuvette des toilettes. Mais s’il atteint une taille monstrueuse, c’est que de peu scrupuleux scientifiques s’adonnent à la vivisection pour trouver une hormone de croissance et qu’ils jettent les cadavres des chiens dans les mêmes égouts. Les avancées scientifiques comme vecteur de dérèglements de l’équilibre naturel restent l’un des grands thèmes de la science-fiction et les expérimentations sur le vivant succèdent ici à l’angoisse nucléaire de la guerre froide.

Le film déroule ensuite un programme tout ce qu’il y a de plus classique. Un flic en bisbille avec sa hiérarchie (Robert – Jackie Brown- Forster), des attaques de plus en plus fréquentes, des autorités qui tentent de dissimuler les méfaits des scientifiques (le maire est complice) et un face-à-face final avec la bête. Lewis Teague a suffisamment de métier pour réaliser une série B solide, alerte et que l’on regarde sans le moindre ennui. Il bénéficie par ailleurs de moyens corrects qui empêchent le film de paraître trop bricolé. Par ailleurs, le cinéaste ne montre son alligator que fugitivement, préférant la suggestion à une débauche d’effets-spéciaux qui desservirait l’œuvre (les scènes où des personnages sont prisonniers de la gueule du reptile ne sont pas les plus réussies). Les personnage semblent d’ailleurs plus craindre la caméra que l’alligator car l’un des procédés les plus utilisés par le metteur en scène est une caméra subjective avec un bout de la gueule de l’animal en amorce.

En ne voulant pas trop en montrer, le réalisateur évite aussi le bain de sang. L’Incroyable Alligator est relativement sage au niveau de l’horreur et même les quelques membres que retrouvent la police après les méfaits de l’animal ne provoquent guère d’émois. Teague privilégie une atmosphère angoissante et ça fonctionne plutôt bien. Néanmoins, quand débarque le personnage de chasseur d’alligators incarné par l’excellent Henry Silva, le film prend une tournure plus parodique. L’acteur en rajoute dans le virilisme machiste et l’arrogance narquoise pour donner au film une coloration plus humoristique.

 © Carlotta films

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Cette dimension sera omniprésente dans Alligator 2 : la mutation. Davantage un remake qu’une véritable suite, ce deuxième épisode débute de la même manière que le premier. Cette fois, c’est un odieux entrepreneur millionnaire qui veut transformer un quartier populaire en un luxueux complexe immobilier et qui n’hésite pas à déverser ses produits chimiques dans les eaux du lac attenant. Même cause, même effet : un alligator monstrueux vient dévorer tout ce qui passe à sa portée. Un flic intègre se lance à sa poursuite, flanqué d’un « bleu » qui deviendra son plus fidèle complice et, par la suite, d’une bande de rednecks appointé par le vilain promoteur…

Jon Hess n’a pas à son actif une œuvre très mémorable (tout au plus pouvons-nous signaler son Watchers) mais il signe ici un film assez efficace et très (trop ?) classique. Les gimmicks du premier (gros plans sur l’œil de l’alligator, caméra subjective avec la gueule du reptile en amorce…) sont repris sans vergogne et sans génie. L’horreur est encore plus « soft » que dans le premier volet et l’accent est mis sur la dimension humoristique du récit : répliques cinglantes, scènes qui tournent presque au gag (le « bleu » enfermé dans les toilettes par son supérieur), traits caricaturaux accentués (difficile de faire plus répugnant que le promoteur mafieux du film)… L’ensemble n’est pas désagréable mais paraît un peu futile.

Mais dans les deux cas, il y a une pincée de critique sociale qui transparaît. En effet, nous assistons à une vengeance de la nature lorsque des hommes trop cupides la malmènent à des fins mercantiles. A la fin des deux récits, l’alligator débarque dans des réceptions huppées et provoque un massacre. Qu’il s’agisse de Teague ou de Jon Hess, la séquence vire au burlesque avec des individus qui voltigent dans tous les sens après avoir pris des coups de queue (d’alligator).

Celui de Teague est plus cruel (on y assiste même, chose rare, à la mort d’un enfant) tandis que celui d’Hess est plus aseptisé (les habitants latinos du quartier finissent par obtenir gain de cause).

Les amateurs du genre seront comblés. Nous conseillons aux autres de commencer par L’Incroyable Alligator puisque le second est plus dispensable. Mais si vous tenez absolument à le découvrir, laissez un certain laps de temps entre le visionnage de ces deux œuvre qui se ressemblent beaucoup.

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