Kiki la petite sorcière (1989) d’Hayao Miyazaki

 


 

Contrairement au président de la République bananière de France et de ses sinistres sbires qui grenouillent dans leurs ineptes ministères, je vais jouer l’apaisement et ne pas mettre de l’huile sur le feu. Nous ne parlerons donc pas à nouveau de Spielberg et de son Arrête-moi si tu peux (diffusé hier soir) mais d’une nouvelle petite merveille de Miyazaki : Kiki la petite sorcière. Le génie de l’animation nippone a d’ailleurs ce don d’apaiser les esprits et de réconcilier tout le monde puisque dès les premières images, nous sommes séduit et sous le charme de cet univers désormais familier et si beau. Je ne connais pas beaucoup de cinéphiles (qui sont, en général et je m’inscris dans le lot, assez hermétiques au cinéma d’animation) faisant la fine bouche face à Miyazaki et , quant à moi, il est avec Takahata le seul cinéaste d’animation qui ne m’inspire pas la moindre réserve.

 


 

Comme Mon voisin Totoro, Kiki la petite sorcière s’inscrit dans la lignée des films de Miyazaki semblant s’adresser le plus directement aux enfants. Mais bien entendu, le cinéaste dépassera par sa finesse et son intelligence le cadre étriqué du genre et ne versera à aucun moment dans la mièvrerie ou la sucrerie bébête.

Comme toutes les sorcières du monde, la jeune Kiki (13 ans) doit quitter sa famille et partir vers une ville inconnue (avec son chat) dans le but de débuter son apprentissage. Après un long voyage en balai qui permettra à Miyazaki de nous offrir un aperçu de son génie pictural (est-il besoin de préciser la beauté du trait, la magnificence des paysages dessinés, la perfection de l’animation ? non, je laisse ça aux spécialistes et me contente de savourer) ; Kiki arrive dans une grande cité et doit vite trouver un moyen de se loger et de gagner sa vie.

 


 

Premier point intéressant du film : Kiki la petite sorcière est un peu l’anti-Harry Potter. Alors que le petit sorcier souffre de son passage chez les humains et n’a qu’une hâte : retrouver son école de sorciers et apprendre tout ce qui le singularisera des hommes, Kiki quitte son univers protégé pour s’adapter à la compagnie des hommes. Il s’agit moins pour elle d’apprendre la sorcellerie que de s’adapter à la société humaine. Lorsqu’elle arrive en ville et manque de provoquer un accident de la circulation, on pense que Miyazaki va nous servir une jolie fable opposant la vie à l’état de nature (la vie de Kiki dans sa famille à la campagne) à la fureur de la vie urbaine et de cette ville qui rend anonyme notre héroïne et broie sa singularité. Or le cinéaste emprunte une autre direction même si cette dimension n’est pas totalement absente du film.

 


 

Le moment clé du film, c’est lorsque Kiki se rend compte que son petit chat (source inépuisable de gags très drôles car même si je n’insiste pas souvent sur cette dimension, il ne faut pas oublier que les films du maître sont quasiment toujours saupoudrés d’un humour irrésistible) ne lui parle plus mais miaule comme sa nature lui ordonne. Faut dire qu’il vient de se trouver une copine et que Kiki, par ailleurs, n’est pas insensible au charme d’un jeune homme qui lui tourne autour. Quelque chose bascule à ce moment et c’est là que la jeune fille se rend compte que sa magie faiblit et qu’elle est désormais presque incapable de voler. Elle a tout simplement grandi. Comme le monstre débonnaire Totoro qui se matérialisait chaque fois que les enfants étaient confrontés aux épreuves difficiles que réservent la vie, la sorcellerie de Kiki n’est que la projection d’un rêve d’enfance (de la même manière que ses dialogues avec son chat). Le film dévoile alors sa véritable nature, celle d’un roman d’apprentissage d’une jeune fille qui quitte l’enfance pour entrer dans l’âge adulte.

Et ce chemin passe par la séparation avec la famille et par la découverte des sentiments.

Décrit de cette manière, le propos de Kiki peut sembler lourd et démonstratif mais c’est sans compter sur la finesse et la subtilité de Miyazaki qui ne force jamais le trait, qui reste toujours sur les rails légers et enchanteurs du conte.

La question qui se pose est de savoir s’il est vraiment nécessaire que Kiki perde la singularité de son enfance et devienne une fille anonyme dont les rues sont fécondes. De la part de ce grand cinéaste de l’enfance (peut-être le plus grand), on ne peut qu’en douter. Et le génie de Miyazaki, c’est de relier l’enfance à la création, à l’art.

Lors d’une de ses « missions », Kiki rencontre dans la forêt une jolie jeune femme qui s’adonne à la peinture. Les deux se lient d’amitié et l’aînée lui explique qu’elle dessine depuis toute petite et qu’elle a toujours conservé en elle cette passion. L’art n’est finalement qu’une manière de prolonger la singularité de l’enfance, de la retrouver sans arrêt. Dans le cas de Kiki, c’est la sorcellerie qui fait office d’art et elle arrivera à retrouver le chemin du ciel en conservant cette croyance enfantine.

 


 

Tout en montrant de la manière la plus douce qui soit comment sortir de l’enfance, Miyazaki nous invite en même temps à entretenir cette petite flamme enfantine et à ne pas renoncer à la singularité de nos rêves d’enfant. Peut-on rêver mieux comme projet ?

 

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