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Team America : police du monde (2004) de Trey Parker
Trey Parker, pour situer rapidement le bonhomme, est le mauvais drôle qui a réalisé Capitaine Orgazmo, film complètement débile et assez inégal mais parfois hilarant. C’est également (et surtout), le maître d’œuvre d’un des meilleurs dessins-animés au monde : South Park. On se rappelle que l’Amérique avait dénoncé cette série animée corrosive à souhait (remember Bowling for Columbine), comme l’une des responsables de la fusillade de Columbine (au même titre que les œuvres complètes de Marilyn Manson !). Trey Parker ayant pu apporter son témoignage dans le film de Michael Moore, le voilà qui lui rend la monnaie de sa pièce en le faisant intervenir dans Team America (sous les traits d’un dangereux gauchiste près aux extrémités de l’attentat suicide !) , drôle de films de marionnettes où l’auteur se livre à une satire au vitriol de la politique internationale de l’Amérique aujourd’hui.
Ca commence très fort : l’équipe policière de choc dont la mission est de sauver le monde libre se rend à Paris pour neutraliser les terroristes (forcément arabes). Ils y parviennent avec brio, au prix de quelques « dommages collatéraux » (c’est comme ça qu’on dit dans la « novlangue » du capitalisme avancé) : la tour Eiffel est mise à terre et le quartier est ravagé par nos héros. Par la suite, ils mettront à feu et à sang un quartier du Caire et raseront la grande pyramide et le sphinx. On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs pour mettre un terme aux agissements des « terroristes » !
On l’aura compris : Trey Parker ne renonce pas à son rôle de poil à gratter et charge à la chevrotine la manière honteuse dont les Etats-Unis se comportent sur la scène internationale (cette façon de ravager les pays en tirant tranquillement des missiles depuis les avions, cette bonne conscience du plouc texan persuadé d’agir pour la « liberté » et la « démocratie » lorsqu’il décime les populations civiles…). On pense aussi à South Park le film, lorsque les USA décident d’envahir le Canada et recrutent une armée dont l’avant-poste (le « bouclier humain ») est composé uniquement de noir ! Par le biais de l’humour vachard et de la dérision, Trey Parker se révèle un observateur sarcastique et un brin cynique des travers de son pays (c’est bon de penser que l’esprit Hara-Kiri, mort depuis longtemps en nos francophones contrées, perdure encore outre-Atlantique !).
Ce côté violemment critique de Team America en fait-il un film à thèse « de gauche », l’équivalent animé des films du sus-nommé Michael Moore ? Pas vraiment car si satire il y a, elle passe par le biais d’une désopilante parodie des films d’action américains contemporains. Qu’ils soient moqués directement (une délicieuse chanson sur le navet Pearl Harbor de Michael Bay) , cités par le biais de scènes similaires (j’ai reconnu Kill Bill et Matrix) ; Parker joue sur les stéréotypes les plus éculés du genre et met à nu le sentimentalisme gluant que les Yankees mettent en œuvre pour justifier leurs croisades guerrières. Cela nous vaut des moments hilarants où le héros, qui a jeté l’éponge, est pris de remord et décide après une bonne cuite (une séquence d’anthologie qui se termine par un flot de vomi dantesque) de reprendre du service ou encore ces moments « romantiques » où les personnages hésitent entre leur devoir et leurs sentiments.
De plus, Parker n’hésite pas à taper aussi bien à droite qu’à gauche en ridiculisant de manière espiègle tous les acteurs américains, de Sean Penn à Tim Robbins, s’étant élevés contre la politique de Bush. Je me rappelle que cet aspect avait heurté les bonnes consciences de Télérama qui avait descendu le film en lui reprochant de faire de ces acteurs les complices objectifs de Kim Jong Il et des terroristes ! Critique au premier degré ridicule puisque le propos du film n’est absolument pas là. Parker montre ces dangereux « gauchistes » comme les voit désormais la paranoïaque Amérique dans son délire sécuritaire. Et même si c’est un moyen d’égratigner un peu ces acteurs (chaque apparition de Matt Damon est à se pisser dessus !) , Parker ne justifie en aucun cas cette manière qu’ont les flics de « Team America » de les massacrer à la fin du film. Au contraire, il montre la disproportion qu’il peut exister entre le caractère inoffensif de ces stars pleines de bonne conscience (Ah ! Tim Robbins luttant contre le tabac ou Sean Penn affirmant que la vie était merveilleuse en Irak) et cette façon de grossir leur impact pour en faire des terroristes menaçant le monde (surtout Alec Baldwin)
Avec Team America, Parker ne se range pas du côté des bien-pensants (c’est ce côté non « politiquement correct » qui séduit le plus dans le film) mais marche sur les pas (toutes proportions gardées !) de Jarry et de son Ubu roi. L’Umour est « hénaurme », mal élevé et parfois vulgaire. Mais c’est fou ce qu’il fait du bien…