Necronomicon (1993) de Christophe Gans, Shûsuke Kaneko et Brian Yuzna avec Jeffrey Combs, Bruce Payne, Richard Lynch. (Editions Metropolitain films) Sortie en Blu-ray le 18 juin 2014

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Brian Yuzna est un cinéaste fort sympathique que j’ai découvert il y a bien longtemps avec l’excellent Society où le gore se mêlait joyeusement à la satire sociale. Comme son « désaltère égo » Stuart Gordon qu’il a produit, c’est également un passionné de l’écrivain Lovecraft. On lui doit d’ailleurs, comme réalisateur, la suite (assez médiocre) du mythique Re-Animator : The bride of Re-Animator.

Necronomicon est un film à sketches que Yuzna a co-produit (avec Samuel Hadida qui lançait alors son poulain Christophe Gans) et dont il a réalisé un segment (sans compter le prologue et l’épilogue). L’écrivain Lovecraft (incarné par le fidèle Jeffrey Combs qui jouait dans From Beyond et qui était Herbert West dans Re-Animator) se rend dans une mystérieuse bibliothèque tenue par d’étranges moines. Il met la main sur le fameux « Necronomicon » dans lequel il espère puiser son inspiration. Les trois histoires qu’il va y découvrir constitueront la structure de ce film en trois parties.

Paradoxalement, c’est Yuzna qui réalise le segment le moins intéressant du lot. Situé dans une Amérique très contemporaine (enfin, celle d’il y a déjà 20 ans !), il met en scène une femme flic et son partenaire lancés sur les traces d’un tueur en série nommé « le boucher ». Mais la jeune femme (enceinte) perd le contrôle de son véhicule et l’accident va la mener à un délire cauchemardesque. Trop grand-guignolesque avec ses effets-spéciaux sanglants et son accumulation d’horreurs un brin vieillottes (les trucages accusent déjà quelques rides), le cinéaste perd en route un spectateur qui se désintéresse de ce récit abracadabrant.

J’avoue que je connais très mal Lovecraft écrivain mais il me semble que ce qui le caractérise, c’est son goût pour l’innommable, les terreurs indicibles, l’onirisme… Or le travers qui consiste à tout montrer me semble contradictoire avec l’univers de cet écrivain.

Je n’attendais pas grand-chose de la partie réalisée par le « frenchie » Christophe Gans mais il faut reconnaître qu’il s’en tire pas mal. Le récit est fort classique et repose sur les éléments les plus éculés du cinéma fantastique : le vieil hôtel hanté, la malédiction familiale, le livre maudit qui réveille les morts. On pense, en vrac, à La chute de la maison Usher, à Hellraiser, à Poltergeist etc. La mise en scène manque un peu de personnalité mais le cinéaste parvient quand même à jouer plutôt bien avec ses décors et à renouer avec l’horreur gothique d’antan (vieux grimoire plein de toiles d’araignées, vers grouillants…). Si les effets « chocs » qu’il ménage sont trop convenus, Gans parvient à signer un sketch horrifique sans surprise mais qui se suit sans déplaisir.

La meilleure partie du film est assurément celle réalisée par le japonais Shûsuke Kaneko, réalisateur de la série des Gamera, des adaptations du manga Death note et d’un Godzilla récent (enfin 2001 !).

Un journaliste débarque dans la maison du docteur Madden pour enquêter sur les disparitions mystérieuses de nombreux individus. Il est tout de suite frappé par le froid qui règne dans la demeure et la jeune femme qui l’accueille prétend qu’elle souffre d’une maladie de peau qui lui fait craindre la chaleur et le soleil. Elle va alors raconter l’histoire de sa mère et de sa rencontre avec l’étrange docteur…

Le film frappe d’abord par la qualité de la mise en scène et son sens de la narration (le récit est construit sur des flash-back). Kaneko évite les excès du gore en dépit de quelques scènes où l’hémoglobine coule suffisamment pour satisfaire l’amateur pour jouer sur une atmosphère oppressante et les liens troubles qui unissent le docteur Madden et sa nouvelle locataire.

Sans dévoiler tous les tenants et aboutissants de ce segment, il est question de vie éternelle et d’expérimentations sur des cadavres frais. On songe bien évidemment à Re-Animator et à son infernal savant capable de faire revenir à la vie les morts. Mais encore une fois, Kaneko soigne davantage les ambiances et préfère aux excès horrifiques une espèce de romantisme noir qui fonctionne plutôt bien.

L’ensemble de ce Necronomicon est donc satisfaisant même si son esthétique 90’ a déjà bien vieilli. Mis à part le facétieux Yuzna, les deux autres réalisateurs ont compris que la débauche d’effets spéciaux n’était pas suffisante pour tenir un film et ils livrent deux histoires suffisamment tenues pour contenter les amateurs de sensations fortes… 

 

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