Folies-Bergère (1956) (Un soir au music-hall) d'Henri Decoin avec Eddie Constantine, Zizi Jeanmaire, Yves Robert, Pierre Mondy, Nadine Tallier. (LCJ Editions) Sortie le 5 novembre 2013

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A part Pierre Murat de Télérama, éternel amoureux de Danielle Darrieux, qui s'intéresse encore aujourd'hui au cinéma d'Henri Decoin ? Certains titres de ses films restent cependant encore dans la mémoire des cinéphiles : Razzia sur la chnouff, La vérité sur bébé Donge, La chatte... Pour ma part, je dois reconnaître que je n'avais vu jusqu'à présent que le très mauvais Les amoureux sont seuls au monde et que j'étais curieux de découvrir ce film avec la grande vedette de l'époque : Eddie Constantine.

 

Disons-le tout net, l'histoire de ces Folies-Bergère n'a strictement aucun intérêt et met en scène les amours entre une belle danseuse et chanteuse de music-hall (Zizi Jeanmaire) et d'un soldat américain en goguette (Eddie Constantine). Ce dernier qui espère percer à Broadway réalise qu'il a plus de chance de réussir à Paris. A partir de là, le film mêle des éléments du « film avec Constantine », à savoir bagarres et petites pépées, et de la comédie musicale avec une succession de tableaux chantés et dansés (mis en scène par Roland Petit) joliment colorés.

 

Inutile de dire que ce qui intéresse le plus dans ce film, ce sont ces morceaux musicaux qui renvoient à toute une mythologie qui font encore la renommée de Paris, la plus belle ville du monde (ses petites femmes, ses cabarets...). Decoin filme les tableaux des Folies-Bergère avec l'honnêteté de l'artisan consciencieux mais sans génie. Du coup, la qualité des tableaux (assez inégale) prime sur les qualités de la mise en scène. Pour ma part, j'ai été ravi d'entendre La java chantée par Zizi Jeanmaire parce que je connaissais la version reprise par Renaud (« C'est la java, / la vielle mazurka / du vieux sébasto / T'es ma nenesse, / tu es ma gonzesse / je suis ton julot. ») et les passages où la croquignolette Nadia Gray est sur scène possèdent un certain charme.

 

Folies-bergère est surtout représentatif d'un courant du cinéma français (qui a aussi existé dans d'autres pays, en Italie notamment) que les moins de 70 ans ne peuvent pas connaître : le film de music-hall. Si le genre peut paraître aujourd'hui totalement désuet, il fut l'un des précurseurs en matière d'érotisme au cinéma. Il faut bien se souvenir que la censure était très pointilleuse dans les années 50 et qu'on ne plaisantait pas avec les films qui osaient montrer de furtives nudités. Pourtant, lorsque lesdits films se passaient dans les milieux du spectacle, une certaine tolérance était permise et les cinéastes se sont engouffrés dans la brèche pour montrer les coulisses du music-hall et, de ce fait, les danseuses en train de se changer ou exhibant leurs charmants appâts sur scène. Folies-bergère reste un film très chaste mais on peut apercevoir quelques seins dénudés lors du premier tableau et lorsque Constantine se rend dans les coulisses pour faire connaissance avec la belle Zizi, il se trompe de porte et tombe sur une jeune femme totalement nue (de dos).

 

Ces pointes d'érotisme antédiluvien ne sont pas pour rien dans le (mini) charme de ce film surannée.

Elles annoncent aussi bien les films de « strip-tease » du début des années 60 (Paris je t'aime de Guy Peyrol, Paris Erotika de José Benazéraf...) que les films de music-hall italiens de la même époque (Il monde di Notte de Luigi Vanzi, America di notte, de Guiseppe Scotese...) que nous ne verrons, hélas, sans doute jamais.

 

Folies-bergère séduit également par son interprétation. Eddie Constantine a déjà bien rodé son rôle de séducteur pataud mais volontiers bagarreur. Zizi Jeanmaire a de jolies jambes et l'on sourit de voir la mignonne Nadine Tallier incarner les jolies danseuses en songeant qu'elle deviendra plus tard la rombière insupportable que l'on connaît (la baronne de Rothschild). On est surpris de voir également apparaître un tout jeune Yves Robert qui accompagne Eddie Constantine au piano et effectue quelques pas de danse avec lui. Enfin, à côté des charmants seconds rôles féminins (Nadia Gray), on reconnaît Pierre Mondy en directeur de théâtre.

 

Ajoutons à cela une pointe d'humour (une histoire d’œillets assez rigolote) et on obtiendra un film à la fois très démodé mais plutôt divertissant.

 

A réserver aux amateurs de curiosités...

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