Je meurs de soif, j’étouffe, je ne puis crier… (1979) de Gérard Courant avec Marie-Noëlle Kaufmann, Gina Lola Benzina, F.J.Ossang, Philippe Garrel, Tessa Volkine

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Je poursuis avec toujours autant d’intérêt ma découverte de l’œuvre foisonnante et protéiforme de Gérard Courant. Avec son titre rimbaldien, Je meurs de soif, j’étouffe, je ne puis crier… s’inscrit dans la droite ligne des premières œuvres du cinéaste (Cœur bleu, Aditya…), à savoir des « portraits de femmes » muets tournés en Super 8. Avant Gina Lola Benzina (dans Cœur bleu) et Martine Elzingre (Aditya), c’est Marie-Noëlle Kauffmann qui endosse ici le rôle de la muse de Courant.

Film de visages, Je meurs de soif…  est également très marqué par les premières œuvres de Garrel qui apparaît ici comme acteur. Même s’il est présenté comme la quête d’une femme à la recherche de sa propre identité, le film rompt avec toute dramaturgie traditionnelle et il n’y aura ici pas le moindre embryon de récit. Nous sommes dans le cadre d’un cinéma de « poésie », parfois un brin austère (j’avoue que la séquence du concert de F.J.Ossang, devenu également cinéaste, m’a semblé un tantinet longuette) mais aussi fascinant dans cette façon qu’a le cinéaste d’envisager son art comme quelque chose de « primitif » et consistant, en premier lieu, en un réflexe d’enregistrement et de conservation du Réel.

Ce geste donne lieu à diverses déclinaisons : d’une part, un art souverain du portrait qui ne se limite pas aux fameux Cinématons. Il est d’ailleurs amusant de voir comment les œuvres de Courant se répondent et comment elles « renaissent » sous des formes hybrides. Il est frappant, par exemple, de constater que Je meurs de soif, j’étouffe, je ne puis crier… (que le cinéaste a, entre parenthèses, également « compressé ») intègre le Cinématon de Marie-Noëlle Kauffmann (qui macule son visage d’une trace rouge –sang ? maquillage ?- en passant sa main sous son œil) ; Cinématon d’ailleurs magnifique, baignant dans une lumière irréelle  faisant ressortir à merveille le regard si bleu de la comédienne.  Le film peut donc se regarder comme une sorte de prolongation de ce court portrait. Il est d’ailleurs, d’après moi, plus fort lorsqu’il se concentre sur les visages de ses comédiennes que lorsqu’il dessine des portraits de groupe où l’attention se perd un peu.

D’autre part, l’idée de portrait chez Courant rime souvent avec autoportrait et sans connaître la nature des liens unissant le cinéaste et ses cinq acteurs, on peut supposer qu’il y a là une communauté d’esprit qu’il cherche à saisir sur le vif. Une fois de plus, le cinéma est là pour sceller quelque chose de cette « intimité » (amour ? amitié ?) entre les êtres et conserver sur pellicule ce que le temps ne manquera pas de défaire...

Et si le cinéma était d’ailleurs le vrai sujet de Je meurs de soif, j’étouffe, je ne puis crier… ? De manière récurrente, Gérard Courant place une photo de Marilyn Monroe et la bande son nous permet d’entendre River of no return, renforçant la tonalité mélancolique d’une œuvre dont la quête perpétuelle est celle de la beauté et de son caractère éphémère.

Même si c’est dans des conditions radicalement opposées (le film d’avant-garde contre le film hollywoodien), Gérard Courant cherche à fixer pour l’éternité le mystère du visage de Marie-Noëlle Kauffmann comme Preminger tentait de percer le mystère Marilyn dans son film…

 


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