Catéchisme maoïste

Pravda (1969) du groupe Dziga Vertov (Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin et Jean-Henri Roger)

Catéchisme maoïste

Même si ce n'est sans doute pas la partie de sa carrière que je préfère, je n'ai rien – a priori- contre les films « militants » de Godard. Je trouve même que certains (Un film comme les autres, Le gai savoir ou même British sounds) sont intéressants. En revanche, dès que le cinéma disparaît au profit de la propagande marxiste-léniniste, ça devient assez imbuvable (Cf. Luttes en Italie).

Il conviendrait de nuancer ma phrase précédente : avec Godard, le cinéma ne disparaît jamais totalement. Certes, il utilise des images de plus en plus « pauvres », souvent tournées par d'autres (documentaires, images télévisuelles, publicités...) mais sa manière de les monter, de les triturer, de les interroger est toujours passionnante. A ce titre, Pravda produit au départ quelques très beaux effets de montage entre, par exemple, des images d'actualité, un commentaire critique et les plans d'une fleur rouge piétinée (à l'image du véritable marxisme selon Godard/Gorin/Roger).

Après l'Angleterre, l'Italie et la France, le groupe Dziga Vertov essaie ici de rendre compte de la situation en Tchécoslovaquie, notamment après l'écrasement du printemps de Prague par les chars soviétiques. Godard et ses acolytes n'ont pas l'outrecuidance de s'aligner sur la position stalinienne du PCF français et condamnent cette intervention mais ils s'avèrent aussi très critiques quant au bel élan de liberté qui naquit dans le sillage dudit Printemps. Un des mots qui revient le plus dans le discours du film est « révisionnisme ». Pour le collectif, le virage vers le « socialisme à visage humain » de Dubcek correspond à une « occidentalisation » du pays, à mille lieues du marxisme-léninisme souhaité. De manière assez mesquine, Godard et consort s'en prennent à la cinéaste Vera Chytilova (auteur du délicieux Les petites marguerites) ou encore à Milos Forman, accusé d'une certaine manière de trahison parce qu'il s'est exilé aux États-Unis.

Ces procès apparaissent rétrospectivement comme assez indignes mais ce n'est pourtant pas ça qui rend Pravda imbuvable. Si, répétons-le, certains effets de montage sont assez beaux, le film est totalement noyé par la propagande et une logorrhée maoïstes totalement indigestes. Pour Godard, il s'agit, par exemple, de « rééduquer » les intellectuels et d'appliquer, d'une certaine manière, le programme du président Mao.

La contradiction du film, c'est qu'il propose d'une certaine manière de déconstruire le discours officiel des images (par le montage, la dialectique, etc.) mais qu'en guise de remplacement, il nous offre un véritable catéchisme « révolutionnaire » (si Godard n'avait pas suivi les « intellectuels » les plus tartignolles du moment (Aragon, Sollers...) et qu'il s'était penché sur la pensée situationniste – par exemple- il aurait immédiatement su de quoi il en retournait quant au maoïsme!) tiré du petit livre rouge.

Du coup, moi qui n'ai pas l'habitude de dire du mal de Godard, je dois bien reconnaître que Pravda est sans doute le plus mauvais de ses films...

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