La Revanche de la créature (1955) de Jack Arnold avec John Agar, Lori Nelson. (Editions Elephants Films). Sortie le 27 avril 2016

Le retour de l'homme-poisson

Au cœur de la galerie des monstres de la Universal, la « créature du lac noir » fait figure de cas à part. D’une part, parce qu’elle arrive très tardivement sur les écrans (en 1954 pour être exact) ; d’autre part, parce que si on excepte quelques ersatz italiens, elle ne connut quasiment aucune postérité et après l’œuvre originale de Jack Arnold (L’étrange créature du lac noir), on ne comptera que deux suites.

L’homme-poisson réapparaît donc dans La Revanche de la créature, toujours signé Jack Arnold. Une équipe de scientifiques se rend en Amazonie pour tenter de le capturer. Ils y parviennent et le ramènent dans un parc aquatique en Floride. Après avoir été l’objet d’études scientifiques, la créature finit par s’évader et semer la terreur…

On pourra le constater à la lecture de ce résumé, le scénario est cousu de fil blanc. Si le film se rattache à une certaine tradition de la série B de science-fiction dont Jack Arnold fut l’un des artisans les plus doués (It came from outer space, L’Homme qui rétrécit…) et que l’on retrouve certaines de ses caractéristiques (charme kitsch, effet-spéciaux sommaires...) ;  il s’en distingue également en cédant aux sirènes des avancées technologiques de l'époque.

Comme son prédécesseur, La Revanche de la créature possède la caractéristique d’avoir été tourné en relief (on ne parlait pas encore de 3D) et le cinéaste doit donc composer avec la contrainte de « l’effet choc » (la créature qui se dirige irrésistiblement vers l’objectif de la caméra, par exemple). De la même manière, il abuse des séquences sous-marines qui permettent sans doute d’accroitre la sensation d’immersion mais qui ralentissent considérablement le rythme du récit. En exagérant un tantinet, on pourrait déjà repérer dans ce film les défauts qui empèsent actuellement la majeure partie des « blockbusters » contemporain : une soumission totale du cinéma à l’appareillage technologique.

Par chance, La Revanche de la créature s’avère bien moins ennuyeux qu’un vulgaire Avatar. D’abord parce que Jack Arnold est un cinéaste talentueux, habitué à confronter l’humanité à des créatures monstrueuses (Tarantula) ou à interroger la place de l’homme dans l’univers (ce chef-d’œuvre qu’est L’Homme qui rétrécit).

Ensuite, parce que le film n’est au bout du compte qu’une sorte de variation sur le thème de King Kong et joue sur les mêmes mécanismes scénaristiques : capture du monstre dans son élément naturel, exhibition dans un lieu qui n’est pas le sien et qui représente la « civilisation », évasion du monstre qui sème la panique mais s’entiche de la jeune première.

La Revanche de la créature ne possède bien évidemment pas le génie et la poésie de King Kong mais en dépit de quelques longueurs, il parvient à séduire par le classicisme de son déroulé. Dans le rôle de la belle scientifique dont s’éprend une créature aux émotions pourtant assez basiques, on reconnait la belle Lori Nelson qui fut la fille de Barbara Stanwick dans le très beau All i desire de Douglas Sirk. L’actrice apporte une petite touche de sensualité bienvenue, contrastant avec le caractère austère de la créature. A vrai dire, c’est peut-être ce monstre qui nous empêche d’adhérer complètement au projet. Autant le singe monstrueux (King Kong) parvenait à impressionner le spectateur, autant notre homme-poisson fleure trop le figurant habillé dans une combinaison de latex pour effrayer.

Ce côté désuet de la créature est l’un des défauts du film mais il apporte aussi ce côté délicieusement kitsch qui fait qu’on suit ces aventures un poil convenues sans le moindre ennui…

 

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