Green, green grass of home (1982) d’Hou Hsiao-Hsien avec Kenny Bee (Éditions Carlotta Films). Sortie en salles depuis le 3 août 2016

Au milieu coule une rivière

Parce qu’elle doit déménager pour suivre son mari, une institutrice d’un petit village de Taïwan se fait remplacer par son frère originaire de Taipei.

Troisième film de Hou Hsiao-Hsien, Green, green grass of home est sa dernière « comédie romantique » avant une inflexion vers un cinéma plus autobiographique (Les Garçons de Fengkuei) et la reconnaissance internationale. Là encore, le film surprend par sa légèreté et ses gags parfois assez lourdauds. Par exemple, le nouvel instituteur demande à ses élèves, pour des raisons de contrôle sanitaire de détection des vers, de lui apporter dans des petites boites un petit échantillon de leurs selles. Cette singulière requête donne lieu, par la suite, à une succession de gags à teneur scatologique (l’enfant qui met sa boite au frigo, celui qui la fait tomber dans le trou…) assez surprenante de la part de l’auteur raffiné des Fleurs de Shanghai et du Maître de marionnettes.  Mais, là encore, on songe à Bonjour d’Ozu et à sa manière de filmer le monde de l’enfance y compris sous ses aspects les plus régressifs.

Comme Cute girl, Green, green grass of home est un film assez anecdotique qui navigue entre la comédie romantique (le jeune citadin qui débarque à la campagne s’éprend, bien évidemment, de sa jolie collègue campagnarde) et la chronique bucolique. Mais on sent néanmoins une évolution par rapport à Cute girl : moins de chansons sirupeuses (il en reste quelques-unes) et un effacement progressif de l’histoire sentimentale au profit d’une description tendre de la vie à la campagne.

Si le rythme du récit reste toujours enjoué, Hou Hsiao-Hsien commence à temporiser et à s’accorder quelques plages plus contemplatives qui deviendront l’une des caractéristiques de son cinéma. Les plus beaux passages de Green, green grass of home sont ceux se déroulant autour de la rivière aux abords du village. Qu’il s’agisse du chahut des mômes en train de se baigner ou de la partie de pêche où trois garnements confectionnent une canne électrique afin d’assommer les poissons, ces passages dégagent un parfum autobiographique et nostalgique assez beau et offrent au film une petite touche de poésie pastorale.

Contrairement à Truffaut qui parvenait, dans L’Argent de poche, à donner une vision très juste et contrastée de l’enfance (ses joies et ses douleurs), le film d’Hou Hsiao-Hsien reste sans doute trop à la surface (c’est son plus gros défaut) et ne parvient pas totalement à donner de l’épaisseur à chacun de ses marmots (voir la manière dont la petite nouvelle qui arrive en cours d’année est totalement évincée du récit par la suite).  En revanche, on remarque déjà une certaine virtuosité le temps de quelques jolis plans-séquences et une manière très impressionniste de saisir quelques saynètes pittoresques de l’enfance.

Le film manque sans doute aussi un peu d’aspérités : les seuls conflits qui surviennent au cours du récit (une amoureuse éconduite qui débarque de Taipei pour retrouver l’instituteur, un vilain braconnier qui empoisonne les poissons…) sont assez vite résolus et ne prêtent guère à conséquence.

Reste alors une jolie fable écologique et un film où pointe déjà la sensibilité de celui qui allait devenir le cinéaste chinois le plus important de sa génération…

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