Sabres et mitraillettes
A armes égales (1982) de John Frankenheimer avec Toshiro Mifune, Scott Glenn. (Editions Carlotta Films). Sortie en DVD et BR le 25 juillet 2018
Les éditions Carlotta profitent de la torpeur estivale pour nous proposer de nouveaux titres dans leur « Midnight collection ». Avant Cocoon au mois d’août, voici venir A armes égales, un film sévèrement burné des années 80 signé John Frankenheimer. Je sais qu’il est de bon ton, sur les traces de Berthomieu, de réhabiliter ce cinéaste et je n’ai pas vu assez de ses films pour porter un jugement définitif mais je suis loin d’être un chaud partisan. Un crime dans la tête est un film intéressant mais son remake de L’île du docteur Moreau était assez calamiteux sans parler de Ronin. A armes égales se situe sans doute dans l’entre-deux.
Il s’agit d’un film d’action qui tente de greffer en son sein hollywoodien quelques éléments du cinéma populaire asiatique et notamment du film de sabre japonais. J’ignore si ce phénomène a été étudié mais il me semble qu’au début des années 80, le cinéma d’action américain s’est tourné vers l’Extrême-Orient pour tenter de revivifier le genre. En ce sens, A armes égales annonce des films comme Karaté Kid ou Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin de Carpenter (voire Indiana Jones et le temple maudit) et toute la saga des films de kung-fu yankees qui déferleront sur les écrans à la fin de la décennie avec Van Damme.
Stylistiquement, les films n’ont rien à voir mais ils témoignent tous d’une vision assez folklorique (et souvent bien caricaturale) des mystères de l’Orient lointain.
Rick (Scott Glenn) est un boxeur qui se voit un jour recruté par le clan Yoshida pour rapporter clandestinement un sabre au Japon et le remettre au chef de clan incarné par Mifune. Arrivé à l’aéroport, il est kidnappé par une bande rivale du clan (en fait, le frère et ennemi de maître Yoshida), prête à tout pour récupérer le précieux sabre…
Soyons honnête : le film n’est pas déplaisant et il est réalisé de manière efficace. Mais à côté de ça, le récit est cousu de fil blanc et tous les rebondissements sont prévisibles depuis le début. Par exemple, on sait pertinemment que Rick finira par coucher avec la jolie japonaise avec qui il se chamaille au départ. On sait aussi qu’il commencera par renâcler à l’idée d’être un chien dans un jeu de quilles dans cette guerre de clans mais qu’il finira par suivre l’enseignement de Yoshida pour devenir l’un de ses plus efficaces disciples…
Aucune surprise, donc, mais tout cela est plutôt rondement mené et on s’amusera de voir quelques références à de grands classiques. Ainsi, lorsque Rick est enterré presque totalement pour tester sa loyauté, on pense aux épreuves similaires que subissait le disciple dans La Légende du Grand Judo de Kurosawa.
On s’amusera aussi de la vision extrêmement caricaturale de la culture japonaise, mélange de cruauté et de raffinement. Comme plus tard dans le deuxième Indiana Jones, on aura droit à une scène assez épique de banquet où notre pauvre Rick devra ingurgiter toutes sortes de bestioles vivantes et bien répugnantes.
Profitons-en pour souligner que le film souffre un peu de la performance monolithique de Scott Glenn qui est ici aussi charismatique qu’une aubergine. Face à lui, Mifune fait son Gabin et cabotine allégrement en patriarche et grand maître.
Si le film reprend à son compte quelques éléments caractéristiques du film de sabre (ou de kung-fu) comme la partie « initiation » et l’opposition entre une certaine tradition et l’arrivée de nouvelles manières de combattre (le frère en costard-cravate, petit mafieux sordide ayant troqué le sabre pour la mitraillette), il se caractérise également par un certain état d’esprit de « série B » qui culmine avec un finale assez grandiloquent et un peu saignant : agrafe dans l’arcade sourcilière, décapitation et crâne fendu en deux dans le sens de la hauteur…
Ces quelques excès épicent un mets pas désagréable mais plutôt très convenu…