Gungala, la panthère nue (1968) de Ruggero Deodato avec Kitty Swan (Editions Artus films)

© Artus Films

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On ne se lasse pas d’explorer l’immense continent que constitue le cinéma populaire italien des années 60-80. On le sait, nos voisins transalpins ont toujours cherché à reprendre à leur compte et à mettre au goût du jour les codes des grands genres hollywoodiens. Dans les années 60, le fantastique gothique et le péplum ont le vent en poupe, bientôt détrônés par le western suite à la « révolution Leone ». Le succès de James Bond entrainera également la déferlante des films d’espionnage et, plus tard, dans la lignée de Romero, les artisans italiens se lanceront à corps perdu dans le gore le plus excessif.

Du polar violent à la comédie sexy, aucun genre ne semble avoir échappé aux griffes des cinéastes transalpins. Gungala, la panthère nue que Ruggero Deodato considère comme son véritable « premier » film (voir l’entretien en bonus du DVD) s’inscrit également dans un autre sous-genre qui fit florès dans les années 60 : le film d’aventures exotiques (voir ceux d’Umberto Lenzi comme Le Temple de l’éléphant blanc). L’occasion pour les indispensables éditions Artus de lancer une nouvelle collection dédiée aux « filles de la jungle », ces versions dégradées des aventures de Tarzan ou de Mowgli, enfants sauvages ayant grandi dans la jungle, loin de la civilisation et capables de dompter les fauves.

Le scénario du film tient sur un ticket de métro : un groupe d’aventuriers (dont une femme qui explore la jungle vêtue d’une élégante robe rouge et avec une mise en pli parfaite !) est chargé par une compagnie d’assurance de retrouver un gros diamant que possédait une jeune héritière dont l’avion s’est écrasé dans la jungle des années auparavant.

Gungala, la panthère nue nous propose tous les ingrédients du cinéma d’aventure hollywoodien : une jungle hostile, des animaux dangereux (avec l’incontournable serpent placé dans le lit), des paysages somptueux, un exotisme de pacotille (les nombreux inserts sur la faune indigène) et des sauvages belliqueux. Comme dans Les Aventures du capitaine Wyatt de Walsh, les aventuriers blancs n’hésitent pas à faire un carton plein sur les « sauvages » peinturlurés (même si ce ne sont plus des indiens ici).

Ce qui change la donne, c’est que les cinéastes exploitant ce filon lorgnent désormais sans vergogne vers le cinéma d’exploitation et insistent largement sur la dimension « sexy » du genre. A ce titre, Gungala (jouée par la croquignolette Kitty Swan) déambule au générique du film dans le plus simple appareil (elle porte néanmoins une culotte) devant des troupeaux de zèbres ou à contre-jour devant l’océan. Par la suite, elle portera une sorte de résille rouge qui lui couvre plus ou moins le corps. Tout cela est bien évidemment charmant !

Jean-Pierre Bouyxou soulignait dans un de ses articles que les seuls corps dénudés visibles au cinéma à certaines époques étaient ceux des femmes africaines : la vision colonialiste estimant qu’il n’y avait rien d’ « érotique » à la vision de ces corps trop près de la nature pour être sensuels et relevant davantage d’un folklore « sauvage » !

En 1968, cette vision rétrograde semble toujours avoir cours car Deodato ne se prive pas de cadrer en gros plan et sans vergogne les jeunes poitrines d’adolescentes africaines en train de danser ! Ce côté racoleur renvoie également aux riches heures du « mondo », ces documentaires sensationnalistes (et souvent bidonnés) offrant aux spectateurs leur quota de scènes croustillantes (violence et sexe) sous couvert d’ethnologie. Un côté « mondo » que l’on retrouvera bien évidemment dans le « classique » de Deodato, le mythique Cannibal Holocaust qui explorera également, à sa manière, une terre sauvage et hostile.

Avant les exactions de ses cannibales féroces, le cinéaste nous offrait un film quand même très mal fichu, à l’image de cet interlude assez ridicule où Gungala et un aventurier filent le parfait amour (musique sirupeuse sur diaporama de cartes postales exotiques) alors que leurs coéquipiers ont été capturés et sont menacés par les autochtones (un sacrifice se prépare). Une improbable séance de photos ponctuera leurs ébats !

De la même façon, il n’est pas rare que les personnages arrêtent leur course (ils ont les indigènes aux fesses !) pour batifoler dans la jungle, sous les yeux des animaux présents et d’une petite servante noire. Seul un gros tronc d’arbre empêchera les spectateurs d’assister aux ébats !

On l’aura compris, Gungala la panthère nue est une curiosité plutôt kitsch (la grosse corde qui tient lieu de liane !) mais qui exhale le doux parfum du cinéma « bis » des années 60. Une sorte d’innocence sexy, effluves d’un cinéma populaire à jamais englouti, qu’on est en droit de regretter aujourd’hui…

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