Le Justicier de minuit (1983) de Jack-Lee Thompson avec Charles Bronson (Éditions Sidonis Calysta). Sorti en DVD et BR le 20 mai 2021

© Sidonis Calysta

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Même si les afficionados sont déjà au courant, il est nécessaire de préciser d’emblée qu’en dépit d’un titre français trompeur, ce film ne fait pas partie de la saga Un justicier dans la ville (Death Wish). Réalisé par Jack-Lee Thompson qui signera de nombreux films avec Charles Bronson, y compris le quatrième Death Wish intitulé Le justicier braque les dealers (vous suivez ?), Le Justicier de minuit est un pur produit estampillé Cannon, firme qui s’imposa comme la plus grande pourvoyeuse de films d’action suintant la testostérone.

Paul Kersey cède la place à Leo Kessler (on notera quand même la similitude des patronymes), un flic intègre et granitique. En lutte contre les tracasseries juridiques empêchant la police de faire son boulot et de confondre les criminels, Kessler se lance à la poursuite d’un tueur cinglé ayant assassiné la collègue qu’il convoitait lourdement. Collègue qui, par ailleurs, s’avère avoir été l’amie de la propre fille du flic.

Jack-Lee Thompson nous dévoile d’emblée qui est le criminel et son mode opératoire. A la manière de l’héroïne de Crime d’amour de Corneau, il attire l’attention le plus possible dans un cinéma afin de se donner des alibis avant d’aller commettre ses méfaits. Il commet ensuite ses crimes dans la tenue d’Adam afin de ne pas salir ses vêtements, ce qui nous donne quelques scènes assez croquignolesques où le psychopathe poursuit cul nu des donzelles elles aussi fort dévêtues ! Le cinéaste joue sur deux tableaux puisqu’au thriller urbain classique (Kessler a de faux airs de « Dirty Harry »), il mêle des éléments du cinéma d’horreur avec un tueur en série qui n’aurait pas dépareillé dans les slashers de l’époque.

Avant de porter un jugement sur ce film, il faut savoir faire abstraction des éléments idéologiques extrêmement réactionnaires qu’il porte en son sein. C’était déjà le cas dans Death Wish mais avec, à mon sens, plus d’ambiguïté. Ici, Kessler se fait le porte-parole d’une police qui ne supporte plus les tracasseries administratives et le laxisme d’une justice qui fait valoir la folie des criminels pour leur permette d’échapper à la prison et de pouvoir récidiver lorsqu’ils sortent des institutions psychiatriques. Comme le montrera la scène finale, Le Justicier de minuit milite pour une justice expéditive (quitte à fabriquer de fausses preuves) et la peine de mort. Une fois cette réserve posée, on peut aussi se concentrer sur les qualités cinématographiques d’une œuvre qui n’en manque pas. Autant Le Justicier de New-York m’avait déçu par son côté exagéré et la surenchère dans l’action et la pyrotechnie, autant le film de Jack-Lee Thompson séduit par la sécheresse de son découpage et sa mise en scène au cordeau. Auteur de nombreux thrillers et de films d’action, notamment le très réussi Cape Fear avec Robert Mitchum (dont Scorsese fera un remake emphatique raté), Thompson réalise un film sans mauvaise graisse, renouant avec l’efficacité des grandes séries B d’antan.

Privilégiant l’ellipse (la scène où Kessler doit annoncer à des amis que leur fille a été assassinée) et évitant toute fioriture (même les scènes violentes sont traitées de façon assez abrupte), le cinéaste nous entraine dans une chasse à l’homme assez captivante et menée sans temps mort. Contrairement à de nombreuses productions Cannon mettant en valeur les gros bras, les interminables combats et les explosions à tout va, Thompson fait sourdre la tension par la seule grâce de sa mise en scène, jouant notamment en virtuose du montage alterné lors de plusieurs séquences (celle où Bronson vole un prélèvement sanguin, celle où il file le tueur qui embarque une prostituée dans une chambre d’hôtel pour l’embarquer dans une fausse piste…). 

En passant outre le discours parfois déplaisant du film, on a toutes les raisons d’être pris par ce récit mené tambour battant et incarné par un Bronson toujours aussi charismatique.

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