La Seduzione (1973) de Fernando Di Leo avec Lisa Gastoni, Maurice Ronet, Jenny Tamburi

Visages du cinéma italien : 15- Fernando Di Leo

Parmi les artisans du cinéma italien, Fernando Di Leo est sans doute le moins éclectique, ayant voué l’essentiel de son œuvre au polar urbain (la formidable trilogie milanaise : Milan, calibre 9, L’Empire du crime, Le Boss) et au thriller violent. Il y eut néanmoins quelques exceptions : une tentative de film fantastique gothico-érotique que je trouve assez ratée mais qui a néanmoins les faveurs de quelques bisseux (La Clinique sanglante aka Les Insatisfaites Poupées érotiques du Docteur Hitchcock) ou l’étonnant et inclassable Avoir 20 ans qui débute comme une comédie polissonne pour finir du côté du drame nihiliste le plus glaçant qui soit.

En choisissant La Seduzione, j’ai opté pour une des exceptions à la règle puisque Di Leo s’essayait ici au drame passionnel entre Moravia et Nabokov.

Après avoir passé 15 ans en France, Giuseppe (Maurice Ronet) revient à Catane pour y renouer avec Caterina (Lisa Gastoni), son amour de jeunesse désormais veuve. Les choses se passent comme prévu et cette romance platonique d’autrefois peut enfin se concrétiser. Mais Caterina a une grande fille (Jenny Tamburi) qui se montre de plus en plus sensible au charme de Giuseppe. Elle entreprend alors de séduire son beau-père…

On aura compris à la lecture de ce court résumé que le récit n’a rien d’original. Ce n’est, en effet, pas la première fois que l’on voit un homme mûr succomber au charme d’une adolescente au cinéma. Pourtant, Di Leo traite ce sujet délicat avec un certain talent qui tient avant tout à la sensibilité des comédiens et à une mise en scène raffinée. On sait, depuis Le Feu follet, que Maurice Ronet excellait à peindre des personnages tourmentés et rongés par un feu intérieur. Tout en indécisions et hésitations, il n’arrive ici ni à oublier Caterina, ni à résister aux désirs qu’éveille en lui Graziella. Face à lui, Lisa Gastoni (qu’on a adoré chez Samperi – Grazie Zia, Scandalo-) se révèle une fois de plus magnifique, entre ses appréhensions (« je suis une veuve sicilienne, pas une parisienne libérée », dit-elle en substance) pour cette nouvelle histoire d’amour et son abandon à la passion. Quant à Jenny Tamburi, même si elle est sans doute un peu trop âgée pour le rôle (elle avait déjà une vingtaine d’années), elle est parfaite dans sa manière de doser l’ingénuité et un certain calcul dans son entreprise de séduction. A ce titre, lesdites scènes de séduction entre la jeune fille et son beau-père sont sans doute les plus fortes du film. Di Leo parvient à les charger d’une tension érotique assez impressionnante sans jamais sombrer dans la facilité ou la vulgarité. Ni pudibonds, ni complaisants, ces moments parviennent à restituer avec beaucoup de force la naissance du désir, les hésitations liées à la trahison et à la différence d’âge, les atermoiements des émotions… Lorsque Graziella se love dans les bras de Giuseppe et que celui semble paralysé, incapable de prendre une initiative, on songe à Beau-père de Blier, lorsque la jeune Marion semble « prendre en main » les choses face à un Patrick Dewaere hébété. Petit détail amusant : c’est Maurice Ronet qui incarnera le père naturel de Marion dans Beau-père et qui se retrouve dans La Seduzione dans la position qu’occupera Patrick Dewaere. 

Lorsque le pot-aux-roses est dévoilé (lorsque Caterina surprend son amant dans les bras de sa fille), le film vire au psychodrame classique et me semble un tout petit peu moins intéressant même si Di Leo ne perd pas totalement le fil de son récit. Mais comme les relations entre les personnages sont dès lors placées sous le signe de la colère et du ressentiment, le film perd paradoxalement cette tension larvée que le cinéaste avait réussi à faire naitre en abordant cette promiscuité amoureuse.

Il n’en reste pas moins que La Seduzione est un beau film où la violence d’abord feutrée des passions amoureuses finit par ressurgir de manière plus brutale. Et Di Leo de prouver qu’il est aussi à l’aise dans cet univers policé de la grande bourgeoisie sicilienne que dans celui hyperviolent des malfrats et flics du poliziottesco

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