Giochi Carnali (1983) d’Andrea Bianchi avec Sirpa Lane

Visages du cinéma italien : 35- Andrea Bianchi

Quiconque a eu l’occasion de voir Malabimba, délirant film d’horreur surfant sur le succès de L’Exorciste et mêlant à une histoire de possession diabolique des scènes de sexe non simulées, sait que le nom d’Andrea Bianchi est synonyme de déviances crapoteuses. Auteur de l’invraisemblable Manoir de la terreur (avec l’un des personnages mi-homme/mi-enfant les plus fous de l’histoire du bis transalpin) et d’un giallo particulièrement malsain (Nue pour l’assassin), Andrea Bianchi est le prototype de l’artisan peu scrupuleux prêt à tout pour racoler le chaland.

Tourné en 1983, Giochi Carnali sent déjà l’extinction irrémédiable du cinéma d’exploitation italien. Présenté comme une « histoire vraie », le film narre les aventures de deux immondes porcs qui ramassent les auto-stoppeuses sur la route pour les violer. Sur tous les fronts, Bianchi mêle les registres sans chercher la moindre unité à son récit. Ainsi, il débute comme un vulgaire porno hardcore d’une laideur incommensurable puisque les comédiens ne participent pas à l’action et que le cinéaste se contente d’abominables inserts gynécologiques à rendre chaste DSK. Là où Bianchi se montre quand même assez dégueulasse, c’est dans cette manière d’exciter le spectateur mâle avec presque exclusivement des scènes de viol. Prenant en route un travesti qu’ils avaient pris pour une femme, nos deux bonhommes décident de se grimer en couple pour rassurer leur futures victimes. Le motif du travestissement devient alors un élément « comique » (avec beaucoup de guillemets) de l’œuvre qui quitte momentanément la pornographie pour s’inscrire dans la comédie bien lourde, à travers notamment un personnage de vieillard lubrique, oncle d’un des deux violeurs. Curieusement, alors que le film est absolument sordide, le réalisateur tente d’injecter cette dose d’humour qui se révèle absolument pitoyable.

Le dernier axe que Bianchi aborde est porté par le personnage du médecin qu’incarne Sirpa Lane (inoubliable actrice de La Bête de Borowczyk puisqu’elle jouait l’ancêtre, Romilda de l’espérance, agressée par le monstre). En effet, a contrario de ce que montre le film, elle tient un discours très progressiste visant à criminaliser davantage le viol. Se développe alors une ligne qui évoque celle du « rape and revenge » qui culminera dans une scène finale grand-guignolesque où les violeurs découvrent leurs testicules dans des coupes de champagne ! Si vous avez tenu jusque-là, amis du bon goût, vous voilà comblés !

Ces ruptures de ton et changements de registres aboutissent à un film interminable (1h47 !) et totalement décousu. D’une certaine manière, le côté vraiment sordide du machin (cette odieuse complaisance pour le viol) est désamorcé par le caractère peu crédible de l’intrigue (comment accepter que deux violeurs s’endorment paisiblement à côté de leur victime, lui laissant toute latitude de se déplacer dans la maison où elle trouve, qui plus est, toute une collection de bistouris ?) et mal fagoté de l’ensemble.

Peu sympathique néanmoins pour un naveton issu des tréfonds du cinéma d’exploitation racoleur, Giochi Carnali témoigne du peu de talent du besogneux Andrea Bianchi et de l’essoufflement total de ce cinéma bis peu avare pourtant en petites pépites.

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