Calvaire (2004) de Fabrice Du Welz avec Laurent Lucas, Jackie Berroyer, Philippe Nahon, Brigitte Lahaie

 

 

Après une longue semaine de films classiques (la programmation télévisuelle se révélant aussi calamiteuse que les sorties cinématographiques, j’en ai profité pour écluser un peu mes nombreux DVD en retard) et un excellentissime concert de Louise Attaque (voir ici), nous revoilà à l’abordage du cinéma contemporain. J’ai même choisi de jouer la carte de la détente en découvrant ce film d’horreur francophone produit par la Belgique, la France et…le Luxembourg !. Le genre ne faisant pas florès du côté de nos contrées, ce n’est pas sans curiosité que nous attendions ce Calvaire. Las ! après un début un peu intriguant, il s’avère que le calvaire du spectateur va vite devenir identique à celui que subit Marc (Laurent Lucas), chanteur de charme pour les « seniors » (pour parler la démagogique « novlangue » politicienne), capturé et séquestré par un aubergiste fou (J.Berroyer).

 

 

Nous parlons beaucoup de mise en scène dans ces pages et, d’une certaine manière, Calvaire illustre nos théories a contrario. Parce que ce qui frappe en premier lieu, c’est un certain talent de Fabrice du Welz : le cadre est intéressant, la photo soignée et la lumière très belle. Sauf que la mise en scène (à mon avis) ne se réduit pas à une direction artistique soignée mais à une adéquation de la forme au fond (mais attention, j’entends par fond plus une vision du monde qu’un scénario). Or Calvaire plaque une forme soignée (mais qui sent le « story-board » à plein nez) sur un abyssal néant. De plus, cette mise en scène n’a rien d’originale puisqu’elle ne fait que pomper les trouvailles de Gaspard Noé. Cela va du format scope aux lumières blafardes et jaunâtres des néons en passant par un cadre serré et la présence du massif (et sidérant) Philippe Nahon. Sauf que chez Noé, la forme épouse parfaitement le propos et se révèle la plus juste pour traduire la rage célinienne de Seul contre tous ou la progression en « vortex » du bancal (mais sous-estimé) Irréversible. Dans Calvaire, on ne voit que les « trucs », les petits effets qui font « cinéma » (ce panoramique qui s’emballe autour d’une table où siègent le bourreau, la victime pleurnicharde et l’idiot du village pour finir par un insert affolé sur un œil exorbité comme dans Requiem for a dream).

 

 

Pour moi, ce n’est pas de la mise en scène mais de l’esbroufe et le film ne brille d’ailleurs pas par son montage (on est loin du tranchant des films de Noé). Lorsque Berroyer assomme pour la première fois Lucas avec une batterie, Du Welz hésite entre montrer la violence du geste et l’ellipse et tombe dans un entre-deux raté. De même , on sent la volonté potache de provoquer (mais pourquoi ?) en montrant des ploucs campagnards totalement affreux et disjonctés qui violent tout ce qui leur tombe entre les mains (les hommes autant que les animaux ! comme c’est un film « adolescent », il n’y a pas de femmes). Tout cela est très vain et ne fait que recycler un ramassis de clichés (l’homme qui tombe en rade dans un coin paumé au milieu d’une forêt et de dingues) et ne distille aucune angoisse mais un ennui de plus en plus insidieux à mesure que le film avance.

 

 

Au niveau des comédiens, Berroyer s’en tire plutôt pas mal même si son personnage public l’empêche malgré tout d’être véritablement effrayant. Dans un second rôle, Philippe Nahon s’avère être le plus convainquant et fout vraiment les jetons. Quand à Laurent Lucas, acteur parfois intéressant mais un peu terne (l’éternel beau ténébreux sans réel charisme) ; il faut reconnaître qu’il n’a pas grand-chose à faire ici. Il sera donc beau ténébreux un peu terne pendant 45 minutes avant de se transformer en victime, se contentant pendant cette moitié du film de gémir et de pleurnicher. On notera également une très courte scène avec Brigitte Lahaie où la star du X des années 80 (mais qui tournera également avec Jean Rollin, Jésus Franco et Max Pécas) s’avère assez convaincante.

Le problème du cinéma de genre à la française, c’est qu’il tombe toujours dans deux travers. Soit il n’est qu’imitation servile de ce que les américains font de toute façon mieux ; soit il se veut plus malin que le genre et n’est qu’une coquille décorative mais vide. Malgré un indéniable talent, Fabrice du Welz se range dans cette deuxième catégorie.

Gageons que la prochaine fois, il pensera moins à faire un exercice de style et s’abandonnera à un projet plus personnel. Le cinéma français (pardon, francophone) tiendra peut-être alors un deuxième Philippe Grandrieux.

 

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