Glissements progressifs du plaisir (1974) d'Alain Robbe-Grillet avec Anicée Alvina, Olga Georges-Picot, Michael Lonsdale, Jean-Louis Trintignant



La diffusion sur le câble de Glissements progressifs du plaisir s'avère être une excellente occasion de revenir sur le cas de mes deux bêtes noires : Alain Robbe-Grillet et Marguerite Duras. L'idée n'est pas de moi mais j'abonde totalement dans le sens des situationnistes pour voir chez ces deux écrivains le symptôme le plus éclatant du recyclage marchand, creux et publicitaire, des innovations avant-gardistes de dada, du surréalisme ou de COBRA. Quoi de plus vide et de plus moribond, effectivement, que les jeux littéraires du « nouveau roman » (qui ne possèdent d'ailleurs même plus l'humour de l'OULIPO ou de les héritiers de Jarry du collège de pataphysique) ? Quoi de plus soporifique et horripilant que la prose étique de la « papesse gâteuse des caniveaux bouchés » (Desproges) ? Ne parlons même pas de cinéma puisque les découvertes successives d'India song et de Nathalie Granger m'ont accablé dès les premières minutes ! Je mets dans le même sac le pop art mais, curieusement, alors que je ne goûte aucunement l'œuvre plastique de Warhol, je dois avouer que les quelques films que j'ai pu voir de Warhol cinéaste m'ont intéressé (pour leur « primitivisme »). Rien de semblable chez Robbe-Grillet dont je n'avais pas aimé La belle captive, la seule œuvre de ses œuvres que j'avais pu découvrir jusqu'alors.

Seul mérite du pape du « nouveau roman » : ce fut un fieffé obsédé sexuel, ce qui nous vaut des films où l'élément érotique (même si la sensualité n'est pas forcément de mise) est omniprésent. Or nul ne songera à se plaindre que le cinéaste dénude généreusement la sublimissime (et ô combien regrettée !)Anicée Alvina, muse intemporelle dont la beauté rendrait priapique ce vieux débris hideux de Benoît XVI !


Alors qu'il s'inspira des toiles surréalistes de Magritte pour réaliser La belle captive, Robbe-Grillet part ici d'une trame policière puisque la belle Alice (Anicée Alvina) est accusée d'avoir sauvagement assassiné son amie Nora (la magnifique et très regrettée également Olga Georges-Picot, inoubliable héroïne de Je t'aime, je t'aime de Resnais). Un flic puis un juge sont mis sur l'enquête mais, très rapidement, le spectateur est entraîné dans un maelström d'images fantasmatiques, de récits sinueux, de mensonges et d'hypothèses improbables...


Robbe-Grillet applique au cinéma les règles qu'il s'est fixé en littérature : abandon total de la psychologie, éclatement du récit, rejet de la narration classique et remise en cause du point de vue omniscient...

Je dois dire que pendant vingt minutes, Glissements progressifs du plaisir n'est pas désagréable à suivre. Primo, parce qu'on y reconnaît Trintignant et Lonsdale venus faire les clowns avec un plaisir assez communicatif. Deusio, parce que la photographie est extrêmement belle. Tertio, parce que ce petit jeu intellectuel est d'abord intrigant, le cinéaste se plaisant à multiplier les signes (une chaussure bleue, un tesson de bouteille, une poupée désarticulée...) pour tromper le spectateur.

Enfin, enfonçons le clou, il y a Anicée Alvina qui pourrait désormais figurer dans mon classement des 20 actrices inoubliables tant son minois angélique m'a tourneboulé (je rêve désormais de la découvrir dans les deux films qu'elle a tournés avec Gérard Blain).


Passées ces vingt minutes, le film devient une purge tant les fantasmes ésotériques de Robbe-Grillet paraissent gratuits et d'une parfaite vacuité. Je n'ai rien contre les films déconstruits et obscurs (j'ai été totalement fasciné, il y a peu, par l'étonnant Purgatoire eroica de Yoshida) dans la mesure où ils essaient de traduire un certain état du monde (voir également Nouvelle vague de Godard). Ici, le cinéaste pourrait à la limite se passer du cinéma et se contenter de coucher par écrit ses fantasmes, ça serait strictement la même chose. Rien n'est incarné ou habité et la caméra paraît totalement superflue.

De plus, il y a parfois chez Robbe-Grillet un côté prétentieux assez déplaisant, comme lorsqu'il s'adresse directement aux spectateurs en semblant lui dire que s'il s'adonne au sado-masochisme et à l'érotisme, c'est uniquement de sa faute (en gros, c'est le spectateur qui est directement la cause de ce qu'il voit). Il y a chez lui un côté faux cul qui se traduit à la fois par un goût prononcé pour la nudité et une volonté de montrer, quand même, qu'il n'est pas « dupe » des mauvais instincts qu'il livre au spectateur.

On ne jouit pas chez Robbe-Grillet et, tout compte fait, puisque le thème du vampirisme traverse Glissements progressifs du plaisir, j'avoue que je préfère largement les cinéastes « bis » qui n'ont pas honte de leur goût pour les jolies femmes, que ce soit Jess Franco (la comtesse noire) ou Jean Rollin (Lèvres de sang). 

Peut-être que vous arrivez à entrer dans ces jeux intellectuels et que vous parviendrez à m'expliquer le plaisir que vous procure le cinéma de Robbe-Grillet. Pour ma part, je suis resté de marbre devant ce film et je l'ai trouvé totalement vide et vain...

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