Assaut sur le central 13 (2004) de Jean-François Richet avec Ethan Hawke, Laurence Fishburne, Maria Bello

 

Etait-il vraiment nécessaire de se lancer dans un remake d’Assaut, le grand film que John Carpenter tourna à la fin des années 70 et qui était déjà une sorte de remake du Rio Bravo de Hawks ? Question d’autant plus pertinente que, comme le soulignait judicieusement l’excellent tenancier du Café du commerce, la réalité s’est déjà chargée de redonner vie au film de Carpenter du côté de Villiers-le-Bel et que ces « remakes » vont sans doute se multiplier dans les années qui viennent.

Sur le papier, cette « coïncidence » avait néanmoins quelque chose d’intéressant, puisqu’on se souvient qu’avant de devenir un cinéaste yankee, Jean-François Richet traîna l’étiquette de « cinéaste des banlieues » (Etat des lieux n’est pas un grand film mais par certains aspects, il était plutôt intéressant). On pouvait alors espérer qu’il saurait retrouver la charge politique et subversive du film de Carpenter en la transposant à notre époque.

Las ! Dès la première séquence, on sait que c’est cuit. Il ne s’agit pas d’une histoire de scénario, de thèmes ou d’autres choses : juste un problème de cinéma. Comme tous les cinéastes français qui veulent faire (en France ou à Hollywood) du cinéma américain (Kounen, Kassovitz et consorts…), Richet ne retient de ce cinéma de genre que quelques (très mauvais) effets.

L’ouverture de son film est donc un mitraillage en bonne et due forme : pas un plan qui ne dépasse trois secondes, montage à la hache par un besogneux épileptique, recadrages incessants et approximatifs : c’est épuisant et d’emblée décourageant.

La suite ne fera que confirmer cette mauvaise impression même si Richet abandonne un peu ce filmage surdécoupé et ne l’utilise que pour les scènes d’action (très mal mises en scène).

 

En attendant le début du film, je suis tombé sur un bout d’interview où Richet affirmait qu’il se situait plus près de Hawks (sic !) que de Carpenter parce qu’il fouillait plus les personnages (re-sic !) et qu’il donnait un visage aux assaillants ! Je pense que ce qui distingue les deux cinéastes cités et Richet, c’est qu’ils faisaient avant toute chose (c’est d’ailleurs toujours le cas pour Carpenter !) du cinéma.

Rio Bravo et Assaut sont de très grands films « topographiques », qui jouent à merveille sur un espace confiné et qui parviennent à faire monter la tension par cette utilisation de l’espace. Richet se montre incapable de « spatialiser » son film et du coup, on n’y croit pas du tout : on se demande pourquoi personne ne remarque cette attaque, pourquoi les assaillants sont aussi empotés et ne parviennent pas à réduire en cendres le central… Autre problème totalement cinématographique : Assaut sur le central 13 est cruellement dénué de point de vue. C’est bien beau de « donner un visage aux assaillants » mais à quelles fins ? La force des films de Carpenter (Assaut, mais aussi Halloween ou Fog, par exemple), c’est justement de se placer du point de vue des assaillis et de faire de l’ennemi une menace omniprésente parce qu’invisible (voir les extra-terrestres de They live). En se plaçant du côté des « bourreaux » (que Richet présente de manière assez conventionnelle non pas comme de purs voyous mais comme des flics corrompus, histoire de montrer qu’il est resté de « gauche » et qu’il n’aime pas plus les flics qu’au temps de Ma 6-T va Crack-er), il désamorce toute tension et se montre incapable d’amener le spectateur à s’identifier aux « victimes » (qui manquent d’ailleurs sérieusement de charisme si l’on excepte cette masse inquiétante qu’incarne brillamment l’excellent Laurence Fishburne)

Dans Télérama, on parle d’ « efficace série B » : c’est entièrement faux. La série B traditionnelle compensait son manque de moyens par une inventivité de la mise en scène (revoyez Gun crazy de Joseph H. Lewis !). Or ici, la mise en scène est aussi conventionnelle que celle des films d’action américains contemporains (avec ce que cela suppose d’effets visuels hideux et de tics clipeux) et elle semble dépourvue de la moindre idée.

Aucun intérêt !

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