Un jour sans fin (1993) de Harold Ramis avec Bill Murray, Andie McDowell

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Est-il encore nécessaire de dévoiler le postulat sur lequel repose ce Jour sans fin ? On peut mais, finalement, ce n'est presque rien.

Phil est un homme cynique et désabusé (c'est peu dire que Bill Murray endosse ce rôle avec le panache et la drôlerie qu'on lui connaît) qui présente la météo sur une chaîne de télévision régionale. Il est envoyé au fin fond de la Pennsylvanie pour couvrir un grand événement météorologique : le jour de la marmotte. Sauf qu'au lieu de fuir cet endroit sitôt les images enregistrées, il se retrouve condamné, tel Sisyphe, à revivre éternellement la même journée...

Idée toute simple mais lumineuse. Et parce qu'il exploite très habilement toutes les possibilités que lui offre ce scénario malicieux, Harold Ramis parvient à réaliser ce qui reste sans doute l'une des meilleures comédies américaines de ces vingt dernières années.

 

En plus d'être un film extrêmement drôle, Un jour sans fin est une formidable expérience de récit « virtuel ». A l'heure du jeu vidéo et des « histoires » que l'on peut revivre à l'infini et perfectionner grâce à un certain nombre de « vies », le cinéaste propose une variation cinématographique aussi originale que stimulante. Il est d'ailleurs amusant de constater que ce film est sorti à peu près à la même époque que Smoking/No smoking d'Alain Resnais, autre fabuleuse tentative d'offrir de nouvelles voies au récit cinématographique en explorant toutes ses potentialités virtuelles.

 

Phil est donc le héros malheureux d'un « jeu vidéo ». Après avoir tâté  le terrain et constaté qu'il revivait les mêmes actions, il va tenter de modifier le cours des choses et profiter de l'espace-temps de cette journée pour séduire sa belle productrice Rita (Andie McDowell). Conscient que tout ce qu'il peut bien faire est désormais sans conséquence (il n'y a plus de futur pour lui), Phil va s'inventer toute sorte de récits.

Harold Ramis va exploiter tout ce que ce point de départ peut avoir comme conséquences pour son personnage. Dans un premier temps, il s'engouffre dans la voie de tout ce dont il peut tirer profit : cogner sur un ancien camarade de classe devenu assureur (personne n'est parfait!), défier la maréchaussée en compagnie de deux autochtones alcooliques, récolter des renseignements sur une cliente de café pour pouvoir la séduire plus facilement le «jour » suivant...

Il y aura ensuite la phase de désespoir où notre héros tentera de se suicider par mille moyens...

 

Raconter de cette manière, le film pourrait rapidement devenir répétitif mais Harold Ramis parvient à jouer à la perfection avec ces « boucles temporelles », ces « répétitions », ces scènes qui reviennent systématiquement. Après avoir pris le soin de planter le décor (les lieux que fréquentent Phil, les personnages qu'il croise régulièrement...), son film s'accélère et devient de plus en plus elliptique tout en conservant ses leitmotivs hilarants (difficile désormais d'entendre la chanson de Sonny et Cher I got you babe sans penser à ce film). Lorsque Phil entreprend, jour après jour, de séduire Rita ; il suffit d'un simple jump-cut à Ramis pour suggérer le passage du temps... Sa mise en scène oscille constamment entre le comique de répétition (la même séquence est reprise de manière identique à son début puis subit une légère variation) et de succulentes ellipses (lorsque Phil attrape au vol un gamin qui tombe d'un arbre, par exemple. Il a suffit au cinéaste de le montrer une seule fois pour que l'esprit du spectateur travaille et imagine le même geste répété à l'infini).

 

La structure « en boucle » du récit (entre le jeu vidéo et le séquençage d'un DVD où l'acteur pourrait reconstruire son propre film en revenant à chaque fois au début du même chapitre) permet à Harold Ramis de revisiter la comédie romantique hollywoodienne. La trame est ultra-classique puisque les héros qui s'entendent, dans un premier temps, comme chien et chat vont finir par tomber dans les bras l'un de l'autre. Mais ce sont les articulations proposées qui séduisent et enchantent.

Dans un premier temps, Phil se sert des connaissances qu'il engrange sur Rita pour tenter de la séduire (comme Woody Allen le fera en recueillant les confidences de Julia Roberts à son psychanalyste dans Tout le monde dit I love you). Mais cela se solde par le même échec cuisant (la gifle qui revient en boucle).

Il va donc mettre à profit sa mésaventure pour se perfectionner dans tous les domaines (musique, langues vivantes...) et devenir quelqu'un de bien. Le processus qui mène le personnage vers l'autre est donc légèrement perverti et fonctionne moins sur un principe linéaire que sur un quelque chose de circulaire et cyclique.

La malédiction cessera lorsque Phil aura enfin réussi à conquérir sa belle.

Et le film de se conclure par cette très jolie idée : la vie n'est qu'une longue et monotone répétition jusqu'au jour où l'on trouve enfin quelqu'un à qui dire « je t'aime »...

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