Messiah of evil (1971) de Willard Huyck avec Marianna Hill, Michael Greer (Editions Artus Films)

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J’ai bien conscience qu’en restant dans le cadre du film de genre, je ne risque pas d’ameuter les foules sur mon blog. Et pourtant, Messiah of evil a beau être un film quasiment inédit en nos francophones contrées (d’après Alain Petit, il a été présenté une fois au marché du film à Cannes en 1973 et Alain Schlockoff l’a montré en 1976 au Festival du film fantastique de Paris avant de disparaître totalement), c’est une véritable petite pépite.

Willard Huyck, qui signe ici son premier long-métrage, n’a pas non plus laissé beaucoup de traces dans la mémoire des cinéphiles en tant que réalisateur. Seul Howard the duck reste connu comme l’un des plus beaux « fours » de l’histoire du cinéma. En revanche, on connaît mieux Huyck comme scénariste puisqu’il a coécrit le script d’American graffiti de Lucas et celui d’Indiana Jones et le temple maudit de Spielberg.    

Pour la petite histoire, Messiah of evil a été tourné dans l’optique de satisfaire un producteur prêt à « lancer » le cinéaste à condition qu’il lui concocte un « film d’horreur ». Ne voulant pas laisser passer une telle opportunité, et même s’il n’éprouve pas un goût prononcé pour le genre, Huyck accepte et se retrouve aux commandes d’un sombre récit où une jeune femme prénommé Arletty (sic !) se rend dans une bourgade perdue afin de retrouver son père. Mais les habitants du lieu font davantage penser à des spectres qu’à des individus normaux…

S’il fallait se lancer dans le petit jeu des comparaisons (le péché mignon des cinéphiles), nous dirions volontiers que Messiah of evil est le mixte improbable entre La nuit des morts-vivants de Romero et le Fog de Carpenter. D’un côté, le film reprend à son compte la figure du « mort-vivant » (Alain Petit, dans la succulente présentation du film qui fait office de supplément au DVD, parle de « goules ») dévoreur de chair humaine tandis que de l’autre, il annonce la malédiction villageoise du film de Carpenter et ses spectres qui reviennent régulièrement.

Mais ces références ne donneront qu’une faible idée de la teneur véritable du film. Alain Petit souligne que Huyck, lorsqu’il tourne Messiah of evil, avoue lui-même avoir été influencé par le cinéma européen, que ce soit celui de Godard ou d’Antonioni. Et c’est vrai que ce qui séduit dans cette œuvre, c’est la manière dont il conjugue les grands archétypes du film d’horreur avec une mise en scène volontairement lente, aussi rigoureuse que dépouillée.

Huyck joue beaucoup sur le vide et la dilatation du temps. Lorsqu’elle arrive dans la bourgade, Arletty rencontre un homme qui vit, vraisemblablement, avec deux jolies jeunes femmes (une blondinette et une brune féline). Ces deux personnages vont être attaqués et donner lieu à deux scènes anthologiques où le cinéaste distille l’angoisse avec un sens de la durée assez ahurissant. La première se fait attaquer dans un supermarché (prélude au Zombie de Romero) tandis que la deuxième l’est dans une salle de cinéma. Dans les deux cas, le principe est le même : Huyck joue avec le vide du décor et la froideur des lieux. Puis peu à peu, ce décor qui semblait déserté se peuple de silhouettes inquiétantes et menaçantes jusqu’à des « climax » traités de manière très stylisée.

L’effet choc intéresse moins le cinéaste que la façon dont il peut faire naître l’angoisse par l’organisation de plans découpés très intelligemment. De la même manière, il joue à merveille avec des décors insolites (le père d’Arletty était peintre et les murs de sa maison sont autant de trompe-l’œil qui désorientent le regard et renforcent l’impression globale d’étrangeté) ou avec les couleurs (un traitement à la Bava, avec le rouge comme couleur dominante et obsédante).

Le résultat, avec son rythme lancinant et ses trouées de pure folie, est tout à fait étonnant. Au risque de retomber dans l’écueil des phrases toutes faites que stigmatise ces derniers temps l’ami Ludovic, je dirais que ce film mérite assurément le coup d’œil et qu’il plaira aux amateurs de curiosités fantastiques qui me lisent.

Dans la mesure où il est très rare, que ceux qui connaissent ce film n’hésitent pas à me donner leurs impressions : il me semble qu’il s’agit là d’une vraie curiosité à redécouvrir et il faut absolument en parler…

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