En cloque, mode d’emploi (2007) de Judd Apatow avec Katherine Heigl, Seth Rogen

 

J’ai bien conscience qu’il y a en ce moment une « mode » Apatow et qu’il faudrait peut-être se montrer un brin raisonnable avant d’en faire le grand génie comique de ce début de siècle. Mais même si ce cinéaste est sans doute surestimé (encore que le massacre dont a fait l’objet son dernier film au Masque et la plume est sans doute exagéré aussi), je dois avouer avoir pris un vrai plaisir à découvrir En cloque, mode d’emploi qui m’a paru, après la réussite de 40 ans, toujours puceau, être un film tout à fait estimable et à mille coudées au-dessus de tout ce qui peut se produire en matière de cinéma comique mainstream en France (je mets évidemment de côté des gens comme Podalydès ou Mouret).

Sur le papier, la trame du film est ultra classique : une très belle présentatrice de télé (Katherine Heigl) couche un soir avec un « nerd » bedonnant, prototype de l’adolescent attardé vivant toujours avec ses potes, et tombe enceinte.

C’est lorsqu’elle se décide à garder le bébé que débute vraiment les rebondissements de la comédie romantique classique hollywoodienne : acceptation de l’autre, disputes et rejet avant la fin heureuse convenue.

Mais comme dans American pie ou les films des frères Farrelly, les codes de cette comédie romantique sont ruinés en partie par un humour régressif pas forcément très fin mais souvent très drôle. Apatow n’hésite pas à nous faire rire du corps dans tous ses états (voir la manière hilarante dont le groupe de potes se moque d’un des membres qui a fait le pari de ne plus se raser ni de se couper les cheveux pendant un an) et pas forcément dans les plus glorieux (des vomissements aux allusions scatologiques, Apatow ne recule devant rien).

Au-delà de cette « grossièreté » qui va finir par devenir une convention (toutes les comédies américaines semblent construites sur ce principe), ce qui séduit dans En cloque, mode d’emploi, c’est la manière dont le cinéaste parvient à éviter un traitement « sociologique » d’un tel sujet.  Il suffit de songer au nullissime Neuf mois de Patrick Braoudé pour voir ce qui distingue l’humour d’Apatow. En France, ce genre de comédie appelle tout de suite des considérations de type sociologique sur la nature des relations hommes/femmes, sur les problèmes de la maternité, de l’engagement… Bref, on est tout de suite dans l’inanité du papier journalistique pour magazines féminins ! Chez Apatow, on est d’abord du côté des personnages et comme dans 40 ans, toujours puceau, le film part de la caricature la plus épaisse pour aller vers un affinement des caractères.

Le côté « caricatural » du début permet de donner une impulsion à la dimension comique du film (ils sont très drôles, ces mordus d’informatique qui veulent lancer un site Internet recensant toutes les scènes de nus des grandes stars avec le minutage précis où apparaissent ces morceaux de peau dévoilés. Ces odieux porcs vont même jusqu’à se moquer de la sublimissime Julianne Moore et de son « red bush » ! Jamais je ne leur pardonnerai !). Peu à peu, le cinéaste parvient à donner une certaine épaisseur à chacun de ses personnages, à évoquer leurs motivations sans pour autant sombrer dans les idées toutes faites ou les clichés basiques (« un bébé, ça change la vie du couple »). J’ai entendu un crétin prétendre à la tribune du masque et la plume qu’Apatow était « réactionnaire » parce qu’il faisait sans arrêt l’apologie de la virginité (40 ans, toujours puceau) ou de la maternité (En cloque, mode d’emploi). Or il est bien évident que le problème n’est absolument pas là ! Il ne s’agit ni de louer, ni de stigmatiser des comportements (par ce fait, Apatow s’oppose effectivement à la dictature de la « modernité » qui commande d’avoir tous les mêmes comportements, le même mode de pensée) mais de donner la chance à des personnages un peu décalés ou différents d’avoir aussi une part de bonheur. C’est dit de manière un peu niaise mais il y  a chez Apatow une vraie générosité dans la manière d’appréhender les personnages et de ne jamais les stigmatiser (pas plus, d’ailleurs, lorsqu’ils fument des joints que lorsqu’ils redécouvrent les joies de la famille et de la venue d’un enfant !)

Du coup, le film sonne plutôt juste et n’apparaît pas si « classique » que ça dans son propos. Reste le défaut d’Apatow de faire toujours un peu trop long (une comédie de 2h05, c’est trop : il aurait dû couper une bonne vingtaine de minutes) mais cette réserve ne m’empêche pas de vous recommander En cloque, mode d’emploi

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