Caresses à domicile (1972) de Demofilo Fidani avec Paola Senatore

Visages du cinéma italien : 10- Demofilo Fidani

Même parmi les amateurs de cinéma bis, Demofilo Fidani traine une mauvaise réputation qui le fait classer parmi les pires tâcherons du cinéma italien (derrière un Bruno Mattei, par exemple, ce qui n’est pas peu dire), notamment pour ses improbables westerns opportunistes (Django et Sartana : rien que ça !) qui lui valurent le surnom d’ « Ed Wood du western spaghetti ». Après avoir épuisé le filon western, Fidani s’est tourné vers d’autres genres en privilégiant une dimension érotique de plus en plus prégnante.

Mais contrairement à ce que son titre suggère, Caresses à domicile constitue avant tout son unique incursion dans le cadre du giallo. Enfin, lorsque j’écris « contrairement », ce n’est pas tout à fait exact puisque le film débute bien comme une comédie polissonne : Cristina en a assez de vivre chez ses parents et elle décide de quitter la maison familiale pour voler de ses propres ailes. Elle fait passer une petite annonce dans les journaux pour devenir masseuse à domicile (comprendre : elle se prostitue) et va vite tomber sous la coupe d’un petit caïd minable qui va s’improviser proxénète. Lorsqu’elle arrive chez un culturiste et qu’elle réalise que celui-ci cherchait une vraie masseuse pour sa vieille mère (gag), on pense que Fidani va s’inscrire dans le courant ô combien fécond (il faudra y revenir) de la « comédie sexy » italienne. Fausse alerte : le récit retrouve ensuite les rails du navet (gentiment) érotique qui fit le bonheur des ados des années 90 lorsqu’ils étaient diffusés le dimanche soir sur M6. Si l’on en croit Fred Pizzoferrato[1], le film a aussi été projeté dans les salles spécialisées, caviardé d’inserts pornos. Nous n’avons vu que la version originelle, très soft, qui fera bâiller le plus concupiscent des spectateurs : Paola Senatore exhibe certes sa (jolie) poitrine et ses fesses (aucun nu « frontal ») mais se livre aux galipettes attendues avec l’enthousiasme d’un veau se rendant à l’abattoir. La mise en scène est d’une mollesse et d’une platitude qui feront passer le moindre épisode de Derrick pour du Orson Welles. C’est peu dire si on s’ennuie jusqu’à ce qu’arrive enfin le premier meurtre au rasoir. Ce léger sursaut nous fait croire que Fidani a trouvé son rythme de croisière et que l’on va enfin s’engager dans la voie du thriller mystérieux. Que nenni ! En guise de thriller, nous aurons droit à deux petits meurtres supplémentaires filmés avec un manque d’inventivité patent et pour ce qui est du mystère, on devine l’identité du criminel dès la première seconde de l’enquête (et je vous assure que je suis pourtant absolument nul en la matière !).

On se retrouve alors à nouveau bercé par ce rythme de croisière aussi plat et insignifiant qu’un article de Caroline Fourest. Il n’y a même pas pour se consoler le côté déviant et crapoteux des plus mauvais gialli (La Sœur d’Ursula de Milioni, Giallo a Venizia de Landi…) : ici, tout est morne, terne et émoussé. Ajoutons que les personnages sont tous particulièrement antipathiques (surtout les personnages masculins) et il ne restera pour nous consoler que les tenues particulièrement extravagantes de l’époque pour nous arracher un sourire.

Un giallo particulièrement dispensable et qui n’intéressera que les plus farouches archéologues du cinéma Z.

 

[1] PIZZOFERRATO, Fred. Une étude en jaune : giallos et thrillers européens. Artus films, 2021.

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