Dans la vie (2007) de et avec Philippe Faucon

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Film après film, Philippe Faucon bâtit une œuvre discrète mais attachante. De Sabine à Samia en passant par Mes 17 ans ou La trahison, l’auteur a imposé un ton et un style qui n’appartiennent qu’à lui. Au jeu toujours un peu réducteur des comparaisons, nous le classerions volontiers dans la famille Pialat, même si le cinéma de Faucon est dénué de la violence et de l’hystérie de l’auteur d’A nos amours. Ses chroniques se rapprocheraient davantage du Pialat apaisé de Passe ton bac d’abord.

Après avoir quitté les terres françaises et abordé le film « historique » (la trahison sur la guerre d’Algérie, première note que j’ai publiée sur ce blog !), Faucon revient avec une fable contemporaine. Et autant le dire tout de suite : pour la première fois depuis le début de sa carrière, le cinéaste me semble s’être planté !

Pour comprendre les raisons de ce ratage, il faut partir de l’affiche atroce du film qui annonce une « comédie hallal et casher ». Tout est alors joué dans cette annonce : la comédie ethnique (qui cherche à faire rire de nos différences) et le grand vent de réconciliation bien-pensant qui l’accompagne (au-delà de nos différences culturelles et religieuses, nous sommes tous frères !).

De ce point de vue, le début du film m’a paru catastrophique. Toutes les scènes ne semblent se dérouler que pour illustrer un cliché sociologique : le racisme (l’infirmière qui se fait rembarrer par un beauf raciste), l’antisémitisme (l’évocation d’une brimade dans une école),  le conflit judéo palestinien (la télévision ne parle que des bombardements de l’armée israélienne au Liban), les approches divergentes de la religion (entre l’infirmière qui fume et boit et sa cousine voilée) et même le féminisme (les femmes arabes qui réclament leurs droits)…C’est assez lourd !

Généreusement, le cinéaste fait se rencontrer une vieille femme juive tétraplégique (Esther) et une mère musulmane qui va désormais veiller sur elle. Choc des cultures, disputes et amitié indéfectible malgré le mauvais œil du voisinage : Dans la vie est une fable généreuse et réconciliatrice même si le cinéaste n’hésite pas à tremper dans le folklore le plus éculé et la bonne conscience citoyenne formatée pour le spectateur démocrate et gentiment « de gauche », profil lecteur de Télérama. 

Même si le film agace parfois, on n’a pas envie d’être trop sévère tant il est impossible de mettre en doute la sincérité de Philippe Faucon et tant il nous répugne de taper sur un film fragile et déjà affaiblit par le contexte économique global (comment un cinéaste pareil peut se faire entendre dans le brouhaha contemporain ? Nous étions trois dans la salle à la première séance !). De plus, on pense un moment que le cinéaste va s’en tirer car son film se bonifie à mesure qu’il avance. Une fois débarrassé de toute la présentation sociologique (extrêmement volontariste et plutôt pesante), Faucon peut faire un peu de cinéma. On retrouve alors son style « neutre » et cette manière d’être au plus près de ses personnages. Même s’il a tendance à sacrifier certains d’entre eux (Sélima, la jolie infirmière), les deux femmes qui se partagent l’affiche (Esther et Halima) acquièrent un peu plus de poids et deviennent de véritables personnages. On retrouve alors ce qu’on aime chez lui : cette capacité d’apporter ça et là une touche d’humour, cette manière d’évacuer tout pathos et de faire naître l’émotion par le non-dit et l’épure.

Ce qui caractérise, en général, le cinéma de Faucon, c’est sa justesse. Mais il faut entendre le mot dans son double sens : son cinéma est à la fois « juste » dans le ton (à la fois précis et exact) mais aussi « juste » dans le sens de « limité ». Tous ses films reposent sur cet édifice délicat qui menace à chaque instant de s’effondrer.

Jusqu’à présent, Faucon parvenait parfaitement à assurer l’équilibre de ses œuvres, à ne heurter aucun écueil. Avec Dans la vie, il se heurte à celui de la sociologie à tout prix et des bonnes intentions. Du coup, même si certains passages conservent un certain charme (la scène au hammam, très belle) et nous rappellent que le cinéaste a beaucoup de talent, son film finit par être bancal et un peu raté : la sécheresse de son écriture se mariant mal avec les bons sentiments du projet…

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