Les sièges de l'Alcazar (1989) de Luc Moullet avec Olivier Maltinti, Sabine Haudepin, Elizabeth Moreau


Me voilà revenu des 10èmes rencontres cinéma et vidéo de Nice (qui se poursuivent jusqu'à demain soir : amis niçois, précipitez-vous !). Séjour fatiguant (plus de 12 heures de trajet !) mais exaltant qui m'a permis, en un week-end, de :


-         Remonter le temps de deux mois et retrouver un été que j'avais perdu depuis longtemps (quel bonheur que de s'asseoir cinq minutes sur la plage pour contempler la mer !)


-         Flâner dans les rues du vieux Nice en regrettant amèrement de ne point habiter dans le Sud.


-         Rencontrer un tas de gens charmants, dynamiques et passionnés.


-         Manger et boire un coup avec un jeune réalisateur talentueux  (Jérémie Lenoir) dont le film m'a convaincu alors qu'il aborde le genre musical qui m'est sans doute le plus étranger au monde (le rap). Mais Doto n'est ni un docucu militant, ni un long clip mais une belle manière de faire un petit bout de chemin avec des jeunes gens du Togo, leur donner la parole et d'offrir à la misère le moyen de s'exprimer (par le biais de la musique).


-         Participer à une table ronde sur les blogs et les nouvelles pratiques cinéphiles devant un parterre d'étudiants studieux, rêvant sans doute davantage de profiter du soleil que de voir les visages d'anonymes internautes !


-         Dire maladroitement quelques bêtises lors de cette table ronde en regrettant immédiatement après de n'avoir pas dit les choses mieux.


-         Voir une bien intéressante programmation de films « tournés/montés » en Super 8 et y découvrir des pépites comme celle-ci. (grand prix international du jury auquel j'avais l'honneur de participer !)


-         Assister à un très beau spectacle de cabaret burlesque (« cocktail très inégalement dosé de strip-tease et de music-hall » dixit Bouyxou) où l'irrésistible Lady Flo nous offrit de splendides hommages à Man Ray et à Marilyn (toujours !). Ca m'a d'ailleurs donné envie d'explorer le cinéma « burlesque », qui fut, entre 1947 et 1968, l'un des genres florissants de la « sexploitation » (« nettement plus youpiteusement coquinets que les films nudistes ou les hygiene pictures » d'après Bouyxou que l'on croit volontiers !) où s'illustrèrent toutes les grandes effeuilleuses d'antan, quelles soient américaines (la russmeyerienne Babette Bardot, Candy Barr, Blaze Starr, Lilly St Cyr et même la divine Betty Page qui tourna quelques burlesque pictures) ou françaises (Rita Renoir, Rita Cadillac...)


Et enfin, le meilleur pour la fin :


-         Faire connaissance avec mes voisins internautes Ed, Joachim et notre bien-aimé hôte Vincent.


Séjour riche, on l'aura compris, où j'ai pu découvrir également une œuvre de notre cher Luc Moullet qui, je vous le rappelle, doit toujours devenir le Luc le plus célèbre du cinéma français d'ici peu. Nous retrouvons dans Les sièges de l'Alcazar son humour minimaliste et décalé que je goûte, pour ma part, toujours beaucoup. Il pose un regard tendre et amusé sur la cinéphilie qu'il a pu connaître, en tant que glorieux critique aux Cahiers du cinéma dans les années 50. Monomanies des bouffeurs de pellicule, guéguerres entre revues rivales (le « héros » du film travaille aux Cahiers tandis que la belle jeune femme qu'il remarque dans la salle écrit dans Positif), private jokes (les titres de films mal orthographiés sur les affiches à la devanture du cinéma) et formules iconoclastes (« Antonioni est le Cottafavi du pauvre »), rituels immuables de la petite salle de quartier... tout cela m'a fait furieusement penser au roman de Nick Hornby Carton jaune (mais ici, ce sont les « cahiers » qui sont jaunes !).

Que ce soit le football pour l'écrivain ou le septième art pour le cinéaste, il s'agit de montrer, de la même manière, un personnage « victime » de sa passion et du caractère intransigeant qu'elle peut revêtir. Dans Carton jaune, le narrateur n'assiste pas à l'accouchement de sa femme pour ne pas rater un match d'Arsenal. Dans les sièges de l'Alcazar, il est hors de question d'envisager une relation conjugale qui priverait le cinéphile de la rétrospective Cecil B. DeMille !

Tout le film tient dans cette observation humoristique d'un personnage mordu par le cinéma et qui ne peut vivre qu'à travers cette passion, quitte à piquer le fauteuil d'un gamin (le cinéphile, c'est bien connu, squatte toujours les sièges les plus proches de l'écran) ou à s'entraîner à prendre des notes dans le noir pour bien copier tous les noms d'un générique.

Je n'ai pas connu l'époque qu'évoque Moullet mais cela n'empêche pas de se reconnaître (un peu) dans ses personnages et de sourire devant cet univers si particulier (désuet ?) de la salle de cinéma : les place attitrées, les fauteuils que l'on nomme, les aléas d'une climatisation ou d'un chauffage défectueux, le personnel pittoresque des lieux (l'ouvreuse, le projectionniste -Zardi- qui sucre des bobines de film pour les raccourcir et faire mieux tourner son cinéma permanent...).

Pour conclure, il faudrait comparer les sièges de l'Alcazar avec Les cinéphiles de Skorecki (un autre ancien des Cahiers) et l'on aurait sans doute le panorama le plus juste de ce que fut la cinéphilie dans les années 50...Epoque révolue mais qui n'empêche pas Moullet d'en rire avec une gaieté communicative...


NB : Encore mille mercis à Vincent pour son invitation. En espérant que nous ayons encore d'autres occasions comme celle-ci de nous retrouver...

NB 2 : Le compte-rendu du week-end chez Ed.


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