Election (2005) de Johnnie To

 

 

Un film qui, en 2007, s’intitule Election part évidemment sur de bonnes bases. En effet, il y a tout lieu de penser qu’il sera, de toutes manières, plus intéressant que l’affligeant spectacle  des ineptes contorsions grimaçantes auxquelles commence à se livrer une bande de sinistres avortons, rivalisant de démagogie en vue de grignoter quelques miettes de pouvoir lors de la grande et grotesque foire d’empoigne quinquennale qui s’ouvrira dans quelques mois. 

Citoyens ! Un bon film d’action chinois a sans doute bien plus de chances de vous offrir un reflet du monde valable que tous les discours insignifiants des politiciens couchés. Optez donc pour l’Art plutôt que pour l’Urne ! Mais je m’égare…

Revenons plutôt à Johnnie To, nouvelle coqueluche des salles de rédactions parisiennes qui font et défont l’opinion cinéphile. « Comment, ma chère, vous ne connaissez pas Johnnie To ? Mais c’est le « must » du moment ! Qui ça ? John Woo ? Démodé, voyons ; Tsui Hark ?  Bof ! Scorsese ? Allons, soyez sérieuse ! Vous ne continuez pas à suivre ce ringard !… ». Bref, au risque de me voir refuser l’accès au banquet annuel des amis des Inrocks, je vous confierai que je n’avais jusqu’à présent vu qu’un seul film de Johnnie Too, qu’il s’intitulait The mission et que je l’avais cordialement détesté. Je n’en ai aujourd’hui plus aucun souvenir à part la vague impression d’un truc totalement bourrin et après près aussi compréhensible que les œuvres complètes de Jacques Lacan !

Election me réconcilie un peu avec ce cinéaste puisqu’il se montre ici relativement clair en racontant une farouche lutte de pouvoir entre deux prétendants au titre de chef des triades. L’un est un hystérique patenté (Big D) tandis que l’autre (Lok) présente une figure plus apaisée de truand intellectuel. Ces deux leaders auront leurs partisans et les clans vont s’opposer, notamment lors d’une longue course-poursuite pour récupérer un sceptre, symbole du pouvoir du chef.

Le problème avec ce film c’est, qu’une fois de plus, Johnnie To s’amuse à mettre en scène une multitude de personnages qui se ressemblent tous avec leurs lunettes de soleil et leurs costards-cravates. Imaginez un film tourné avec 50 cadres de la Défense, vous aurez une idée de la difficulté qu’il y a parfois à distinguer qui est qui ! Si le récit est parfois un peu nébuleux, To le compense par un vrai sens du rythme et du découpage. Le film n’a rien de transcendant au niveau de l’invention formelle mais il fait preuve d’une vraie efficacité qui force l’intérêt sans arrêt. Le « McGuffin » du sceptre permet de donner un bon tempo à l’action et on se laisse porter sans déplaisir.

De plus, To est assez malin pour montrer les aspects grotesques de cette quête de pouvoir. Réduit à un conflit entre deux individus, nous avons l’impression d’assister à un combat de cour de récréation entre deux gamins colériques. Quant aux « électeurs », ce ne sont que de simples veaux manipulés et floués par les mafieux corrompus qui s’arrangent pour faire gagner le candidat qui les a le mieux payés.

L’idée d’élection d’un chef est présentée ici comme une coutume ancestrale. Le film est intéressant de ce point de vue. Il analyse de manière assez fine le côté ritualisé (très belle  scène d’intronisation de Lok) et traditionnel de ces triades qui contrôlent tous les trafics louches de la ville et la manière dont le monde contemporain contamine ce folklore. C’est l’image de ces mafieux, téléphones portables en main, qui persistent à se battre à coups de sabres ! Johnnie To décrit un monde où disparaissent finalement les traditions de l’honneur, de la fidélité au « parrain » et le sens de la hiérarchie au profit d’intérêts purement matériels et d’une inextinguible soif de pouvoir.

Pour toutes ces raisons, le film est intéressant. Maintenant, il ne faut pas en faire un chef-d’œuvre. Je le redis, d’un point de vue visuel, le film est beaucoup moins inventif que les films de Hong Kong de John Woo (The killer, Une balle dans la tête). Les scènes d’action n’ont rien de bouleversant ; et, me paraissent plus intéressants certains lieux que Johnnie To filme plutôt très bien (un restaurant vide, des voitures à un feu dans une rue de la ville…).

Mais lorsque je vois comment certains ont traité comme moins que rien les infiltrés de Scorsese pour louer ce film d’action efficace et agréable mais très mineur, je me dis que, décidément, le snobisme n’a pas de limite…

 

 

 

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