Fantastic Mr.Fox (2009) de Wes Anderson

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Pour être tout à fait franc, j’ai toujours eu un sentiment ambivalent vis-à-vis de l’œuvre de Wes Anderson.

D’un côté, j’aime son humour décalé, la mélancolie discrète qui nimbe ses plans et je lui reconnais volontiers une belle patte de cinéaste, parvenant à faire tenir ensemble les éléments les plus disparates (la famille déjantée de La famille Tenenbaum, les passager du sous-marin de La vie aquatique ou les trois frères voyageant en train dans A bord du Darjeeling limited)

De l’autre, ce cinéma m’a toujours semblé manquer un peu d’ampleur, incapable de donner un souffle à une succession de saynètes parfois menacée par le « kitsch » ou la « gadgetisation ».

Si j’étais méchant, je dirais que le cinéma d’Anderson est un cinéma de « bobo doué ». Ca mériterait d’être nuancé mais il y a quelque chose de ça !  

 

J’étais néanmoins curieux de voir son premier film d’animation et cette adaptation d’un auteur que j’affectionne particulièrement : le grand Roald Dahl. Globalement, l’écrivain a été plutôt bien servi par le cinéma, que ce soit par Tim Burton et Mel Stuart (les deux adaptations de Charlie et la chocolaterie), par Henry Selick (James et la pêche géante) ou encore Danny de Vito (Matilda).

Wes Anderson ne démérite pas : on prend un vrai plaisir à suivre les (més)aventures de cette famille de renards dont le père a décidé d’attaquer les fermes voisines pour leur voler des poules, des dindes et… du cidre. L’animation artisanale a du charme (avec un vrai travail sur le cadre et le montage qui témoigne aussi  d’un véritable regard de cinéaste) et le rythme est sans faille.

On appréciera, par exemple, le traitement elliptique et fort drôle, de la deuxième attaque des renards. On mettra aussi sur le compte d’Anderson d’avoir respecté l’humour irrévérencieux et irrésistible de Roald Dahl. Mr Fox, avec ses allures de gentleman cambrioleur s’opposant à la vulgarité des riches propriétaires avares et stupides traduit assez bien la manière dont l’auteur de Charlie et la chocolaterie refusait d’infantiliser son public de jeunes lecteurs et misait tout sur son intelligence, son esprit d’aventure et de rébellion. Chez Dahl, l’esprit du conte n’exclut pas une véritable « critique sociale » (même s’il ne faut pas l’entendre au sens lourd du terme) ou, tout au moins, une exaltation du rêve, de l’intelligence et de l’imagination a opposer au conformisme, à la bêtise et à la vulgarité.

Les jeunes renardeaux apprennent, d’une certaine manière, à cultiver leurs différences et à accepter leurs personnalités uniques. Car Mr Fox et sa femme sont les parents d’un adolescent « difficile » et ils ont du recueillir pour un temps un neveu doué pour tout (ce personnage est absolument tordant), ce qui ne facilitera pas les relations familiales…

 

L’humour des dialogues et des situations couplé à une mise en scène alerte et inventive ; voilà de quoi faire de Fantastic Mr.Fox un film fort réussi et toujours agréable.

Pourtant, une fois de plus, ce qui aurait pu être un « grand » film ne s’avère, au final, qu’un « bon » film.

Pour quelles raisons ? Peut-être tout simplement parce que Wes Anderson veut absolument faire un film de… Wes Anderson (pardonnez-moi la tautologie !). Du coup, il plaque d’une manière que je trouve parfois un peu artificielle, tous les thèmes qui parcourent ses films précédents. Les exégètes du cinéaste seront sans doute ravis de constater qu’il est encore question ici de la difficulté (pour Mr Fox) de devenir un père et, pour les fils, de vivre dans une ombre paternelle aussi écrasante qu’attirante. Le fils de Mr Fox ne rêve que d’une chose : être un athlète doué comme son père. Il lui faudra, au terme du récit, apprendre à devenir lui-même et se réconcilier avec cette figure paternelle.

Qu’un cinéaste veuille accaparer une œuvre pour la rendre personnelle, c’est fort légitime. Qu’Anderson fasse de cette communauté d’animaux sauvages qui se regroupent pour lutter contre les humains un microcosme assez semblable à celui de La famille Tenenbaum ou de La vie aquatique, je le conçois parfaitement. Sauf que ça semble parfois plaqué artificiellement et que cette volonté « auteuriste » finit par nuire au « premier degré » du conte.

Tout se passe comme si le cinéaste avait peur de perdre son public et qu’il fallait lui donner des gages en retour. Du coup, on a le droit à des effets de « griffes » qui détournent le film vers un « second degré » assez mode et, pour le coup, moins intéressant.

Lorsque Tim Burton fait Charlie et la chocolaterie, il met beaucoup de son univers et de ses obsessions dans l’œuvre mais il n’oublie jamais une certaine fidélité au conte. Anderson, qui a toujours préféré la « saynète » au récit, perd parfois un peu le fil du conte pour montrer qu’il est bien toujours aux commandes et qu’il s’agit d’un film « d’auteur ».

Pourquoi pas ? Mais ce qui intéressera certainement les fans finit par nuire un peu à la magie d’un conte par ailleurs réussi et fort recommandable…

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