Le 49ème parallèle (1941) de Michael Powell avec Laurence Olivier (Editions Carlotta) Sortie en DVD le 23 octobre 2013

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A l'origine de ce film, il y a une commande du gouvernement britannique qui souhaitait réaliser une œuvre de propagande pour contribuer à l'effort de guerre et inciter les américains à entrer dans le conflit mondial. A vrai dire, cela fait déjà deux bonnes raisons de se méfier de l’œuvre : d'une part, le côté propagandiste qui se conjugue très mal avec l'idée même d’œuvre d'art (souvenons-nous de Benjamin Péret fustigeant, dans Le déshonneur des poètes, les artistes ayant mis leur art au service d'une cause alors que pour lui, la poésie est intrinsèquement révolutionnaire) ; de l'autre, le film de guerre comme genre que je n'ai jamais beaucoup apprécié (il y a, bien évidemment, des exceptions).

 

Par ailleurs, je dois admettre également ne pas être un thuriféraire de l’œuvre de Michael Powell, même si j'ai beaucoup aimé Le narcisse noir et que Le voyeur est un authentique chef-d’œuvre. Pour le reste, ce n'est jamais inintéressant mais j'ai du mal parfois à rentrer dans des films un peu longuets (Colonel Blimp) ou pas forcément très bien construits. Le cinéaste n'a pas forcément un grand sens du récit et j'avoue avoir eu du mal à entrer dans ce 49e parallèle. Tandis que six officiers nazis sont parvenus à gagner les côtes du Canada, un sous-marin allemand est coulé dans la baie d'Hudson. Dès lors, nous allons suivre le périple de ces nazis cherchant à tout prix à franchir ce fameux 49e parallèle qui marque la frontière entre le Canada et les États-Unis.

 

Pour ma part, j'ai trouvé le début du récit un peu confus, ne parvenant pas vraiment à saisir les enjeux dramatiques et à cerner les personnages. Il faut dire que Powell s'y prend de manière originale puisqu'il invite le spectateur à s'identifier aux fuyards, à savoir d'affreux criminels.

Ces réserves posées, le film devient plus intéressant à mesure qu'il se déroule. Le cinéaste nous offre même de très belles séquences, comme l'arrivée des soldats dans une communauté huttérite (des chrétiens anabaptistes), celle où les fuyards se cachent dans une foule soudain devenue immobile et où chacun à comme consigne d'observer son voisin, ou encore ce très beau face-à-face avec un explorateur anthropologue.

Mais le plus intéressant reste sans doute la manière subtile dont Powell intègre la « propagande » à son récit. Jamais il ne se pose en partisan belliqueux de la guerre à tout crin mais essaye, au contraire, de montrer que l'ennemi n'est pas le peuple allemand dans son ensemble mais la peste nazie. Les séquences que j'ai citées permettent, chacune à leur manière, de développer un point particulier de la nocivité de l'idéologie nazie. Chez les huttérites, le cinéaste montre l'exil d'individus allemands qui ont du fuir leur pays pour échapper aux persécutions. Lorsque le chef des nazis entame un discours sans équivoque sur la supériorité de la race allemande, il le fait dans un silence de mort. Et lorsque le « chef » de la communauté lui répond, ses mots sonnent un peu comme ceux de Chaplin à la fin du Dictateur, faisant l'éloge de la tolérance et d'un certain humanisme opposé à la haine de la dictature allemande.

Face à l’anthropologue, les nazis font la preuve de leur intolérance et du totalitarisme qu'ils veulent imposer à la pensée en brûlant les livres (Thomas Mann) et en détruisant les œuvres d'art. Par ces petites notations, le film parvient à dresser un constat assez juste des exactions commises par la dictature nazie.

 

De la même manière, si les personnages sont présentés comme des crapules prêtes à tout (y compris à tirer sur des femmes et des enfants), Powell parvient quand même à donner un peu d'épaisseur à ses officiers nazis. Si le « chef » est un salaud hitchcockien dans toute sa splendeur, le « boulanger » est un personnage vraiment touchant. Chez les huttérites, il défend la petite Anna et reprend goût à une vie simple en faisant son travail. On comprend alors qu'il a été embrigadé de force et qu'il n'a pas eu la force de résister uniquement par peur de ne pas pouvoir survivre.

Si l'ennemi est identifié sans le moindre doute, le cinéaste a l'intelligence de se garder des généralités et des oppositions schématiques. Sa dénonciation de l'idéologie nazie est impeccable et implacable mais il se défie aussi de catégoriser trop binairement les individus entre le Bien et le Mal. Il est d'ailleurs assez piquant que pour un film de propagande militaire, ce soit un...déserteur qui finisse par arrêter le dernier nazi !

Dans une logique belliqueuse et militariste, cet homme aurait été considéré comme un traître. Or ce que montre Powell, c'est que dans les démocraties, il est possible de contester et d'affirmer qu'on est contre le gouvernement alors que dans une dictature, ce brave déserteur aurait été fusillé (on ne chipotera pas, pour l'heure, sur les déserteurs qui ont été fusillés « pour l'exemple » par nos braves « démocrates »!)

 

A la fois clair dans ses objectifs et subtil dans son traitement, Le 49ème parallèle finit, malgré tout, par séduire et toucher même si, il faut bien en convenir, ce n'est pas forcément ma tasse de thé (mais c'est très subjectif!)

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