Marcel Hanoun par Gérard Courant(Éditions de l'Harmattan)

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Au risque de se répéter, il faut redire ici à quel point le cinéma de Gérard Courant constituera pour les historiens du futur une mine d'or incroyable. On le constate souvent trop tard, malheureusement lorsque qu'une personnalité finit par disparaître. Il y a peu, c'est encore vers Cinématon que je me suis tourné pour rendre hommage aux regrettés Philipe Bordier (et si on rééditait ses films, soit dit en passant?) ou Bigas Luna. C'est en 1979 que Marcel Hanoun se fait filmer pour la mythique série de Courant : il y présente un visage paisible, fixant la caméra super 8 en profitant du soleil. A la fin du portrait, il sort un appareil photo et prend quelques clichés de son « filmeur ».

 

Dans une séquence du Journal de Joseph M., Marcel Hanoun dit de fort jolie manière que «la plus belle image qui soit est l'image de l'instant.» Ce DVD qui rend hommage au cinéaste disparu à la fin de l'année dernière est une tentative de regrouper toutes ces images que Gérard Courant a pu saisir d'Hanoun, ces instants privilégiés que les deux cinéastes ont partagés. On le retrouve d'abord dans une autre série de Courant : Portrait de groupe. Dans le n°83 (L'équipe de tournage de « Otage »), Hanoun fait le cadre et invite Gérard Courant à installer son transat de manière à apparaître dans un plan où tout le monde se repose nonchalamment. Dans le n°103 (Dominique Noguez signe son livre « Lénine Dada » à la galerie Donguy), Hanoun apparaît en retrait dans un groupe où l'on reconnaît Dominique Noguez (bien évidemment!) portant une pancarte avec une photo de Lénine mais également Jakobois et Henry Veyrier.

 

Le cinéaste apparaît également dans certains longs-métrages de Courant. On le retrouve dans une très belle séquence « wagnérienne » de She's a very nice lady, à New-York, en compagnie de la comédienne Doreen Canto. Puis dans Amours décolorées avec Mariola San Martin et dans Le journal de Joseph M. où il s'entretient avec son « fils spirituel » Joseph Morder.

L'un des films les plus intéressants de cette compilation (dans la mesure où je ne l'avais jamais vu) est un épisode des Carnets filmés intitulé : Le chemin de Resson : Joseph Morder rend visite à Marcel Hanoun. Il s'agit, en fait, des rushes tournés pour Le journal de Joseph M . Dans le film, cette rencontre dure, en gros, cinq minutes ; dans le carnet, ces séquences avoisinent les 45 minutes !

Du coup, le spectateur se voit offrir à la fois une belle leçon de cinéma (sur le montage, la manière dont des phrases assemblées dans un autre contexte peuvent prendre un tout autre sens...) mais aussi un très beau document où l'on voit Hanoun raconter des blagues, évoquer son enfance, sa manière d'appréhender les différents formats d'image (il a d'abord commencé classiquement en 35 mm avant de se tourner vers le Super 8 et la vidéo) ou son rapport à la religion. Cet entretien avec Morder est aussi farfelu qu'intéressant dans la mesure où l'on entend à loisir la voix d'un cinéaste bien trop méconnu.

 

Au moment de sa mort, Gérard Courant a poursuivi cet hommage avec trois films : un court-métrage où défile un montage d'images en Super 8 du tournage du Journal de Joseph M. pendant que s'élève la déchirante chanson de Léo Ferré Avec le temps (In mémoriam Marcel Hanoun), une espèce de diaporama où le cinéaste illustre un texte qu'il avait consacré au film La nuit claire dans la revue Cinéma en 1979 (« La nuit claire » de Marcel Hanoun par Gérard Courant) et enfin, un carnet filmé au moment des Funérailles de Marcel Hanoun au Père Lachaise à Paris.

Drôle d'idée que de filmer pendant un enterrement ! La première partie de ce court carnet (29 minutes) ne convainc d'ailleurs pas. Courant sur-impressionne les images et les sons de la cérémonie et on n'entend ni les témoignages, ni les hommages. On a du mal à saisir où il veut en venir. A la moitié du film, apparaît à la fois le visage en négatif de Marcel Hanoun (lors de son Cinématon) et celle de son cercueil (en surimpression). L'effet est saisissant et confère soudain au film une puissance mélancolique que l'on retrouvera ensuite lorsque le cinéaste se contentera de filmer des proche de Hanoun et de recueillir leur parole en prenant soin de ne jamais être indécent (la douleur n'est jamais exhibée de manière racoleuse).

Ainsi s'achève alors un chapitre du journal poétique de Gérard Courant : ces pages qu'il a consacrées à Marcel Hanoun, cinéaste singulier et novateur dont on finira bien un jour par redécouvrir l’œuvre...

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