Finalement, les cinéphiles sont comme tous les vacanciers de France et de Navarre : pendant l’été, ils font des tests et répondent à des questionnaires. L’ami Joachim vient d’avoir la judicieuse idée d’adapter le « questionnaire portrait chinois » en un questionnaire « proustien » où il s’agit, encore une fois, moins de citer nos films préférés que ceux qui ont marqué notre jeunesse.

Allons-y et n’hésitez pas à vous prêter au jeu :

 

Un film : Assurément, le père noël est une ordure, vu des milliers de fois avec mes frères, sœurs et cousins, cousines. Certains étés, je pense que nous n’hésitions pas à le regarder une fois par jour à tel point que certains passages de notre vieille VHS étaient devenus illisibles.

 
Un réalisateur : A l’époque, les acteurs comptaient davantage que les réalisateurs. Il faudrait donc citer tous ceux qui ont fait tourner mes idoles d’enfance : Jean Girault, Edouard Molinaro, Claude Zidi, Gérard Oury (pour De Funès), Jean-Marie Poiré, Patrice Leconte (pour les films avec la bande du Splendid), Georges Lautner (pour les Belmondo)…

 
Un acteur : Michel Blanc (celui qui me faisait le plus rire dans la bande du Splendid)


Une actrice : Sandrine Bonnaire. J’ai découvert à 16, 17 ans A nos amours de Pialat et je suis tombé amoureux de l’actrice tout en me disant que le cinéma était peut-être autre chose que les comédies et films d’horreur dont je me goinfrais !

 
Une rencontre d’acteurs : Gérard Depardieu et Patrick Dewaere dans Les valseuses de Blier. Je découvre ce film en terminale et il devient, pour un ami et moi, un film culte. A tel point que je l’appelle alors Jean-Claude et qu’il m’appelle Pierrot. Ce surnom m’est resté chez mes plus vieux amis tandis que je suis le seul à persister à l’appeler Jean-Claude !


Un gag : Dans la chèvre de Francis Véber. Pierre Richard est dans la jungle et se fait enlever par un singe sous le regard éberlué de Depardieu. Mais au moment où le quadrumane s’enfuit avec sa victime, la liane cède. Stupeur de la bête qui dégage sous le regard compatissant de Depardieu tandis que Richard s’exclame « Il est con ce singe » ! J’ignore pourquoi ce gag nous faisait pleurer de rire mais nous le regardions image par image avec ma cousine ! 

Une révélation : Le plaisir qu’on peut prendre à une comédie dépend de l’environnement dans laquelle on la découvre. Je me souviens d’une soirée superbe où nous nous étions tous entassés à une quinzaine (encore une fois, avec mes cousins et cousines) devant un vieux poste de télé pour regarder La vie est un long fleuve tranquille
(Chatilliez). J’avais énormément ri au film que j’ai revu et trouvé absolument sinistre quelques temps après, par un morne après-midi chez mes grands-parents, alors que tout le monde était absent…

 
Souvenir cinéphilique qui pourrait figurer dans une chanson de Vincent Delerm (ou d’Aldebert) : Les yeux rougis de mes copines de seconde (Sandra, Emmanuelle…) à la sortie du Cercle des poètes disparus de Peter Weir. Je pense que c’est l’année suivante que Guilaine avait écrit au blanco sur sa trousse « Carpe diem »…

 
Une histoire d’amour : La plus lointaine dont je me souvienne est sans doute celle de Cartouche de Philippe de Broca. Tout gamin, j’étais tombé fou amoureux de Claudia Cardinale (déjà !) et je n’ai jamais pu admettre que Jean-Paul Belmondo (pourtant mon idole) lui préfère une noble blonde absolument fadasse !

 
Une bande son : Encore le père noël est une ordure puisque avec un frère que je ne citerai pas eu égard à sa célébrité, nous avions enregistré nos films fétiches sur cassette audio et nous nous les sommes écoutés durant un long voyage en voiture vers le Portugal. Je me souviens que nous avions également La chèvre et Les héros n’ont pas froid aux oreilles (Charles Nemes) 

 
Un baiser et une scène d’amour : Là, je me répète mais c’est sans doute Sailor et Lula de Lynch qui m’a le plus frappé. Déjà ce goût pour l’amour fou dès le lycée…

Une grossière erreur de jugement : Les rires sarcastiques avec lesquels nous accueillîmes Le cauchemar de Dracula de Terence Fisher. 

 
Une faute de goût impardonnable : mon grand-père avec une vidéothèque incroyablement fournie en classiques en tout genre (westerns de Ford, Hawks, comédies de Wilder, films d’aventures etc.) et quand nous allions chez lui en vacances, le film que nous regardions toujours avec mes cousines était… Trois hommes et un couffin (Serreau) !


Un gâchis : En 1988, Godard  et Chabrol sont venus à Dijon (pas en même temps !) présenter un de leurs  films. J’étais trop jeune alors pour m’intéresser à leur cinéma et il est fort probable que je n’aie plus jamais l’occasion de les rencontrer… (Cette même année, décidément faste, Vecchiali est venu également)


Un grand moment de honte : La mouche de Cronenberg est l’un des premiers films que j’ai du voir tout seul au cinéma. J’avais adoré le film mais j’ai encore en mémoire la remarque d’un type qui, en me voyant arriver dans la salle, a dit à son voisin « je croyais que le film était interdit au moins de 13 ans ». Je ne pouvais pas deviner à l’époque que c’est une bénédiction de faire plus jeune que son âge ! 

 
Une scène qui a éveillé ma libido : Beaucoup puisque le plaisir du cinéma a longtemps été pour moi un moyen de transgresser les interdits. S’il ne fallait citer qu’un film, ça serait sans doute L’été en pente douce et la merveilleuse poitrine de la très regrettée Pauline Lafont.

Réactions bizarres entendues dans une salle de cinéma :

1-     l’incroyable brouhaha dans lequel je vis Freddy 3 (C.Russell) juste après avoir passé mon brevet des collèges.

2-     Les deux types venus voir Kika d’Almodovar et qui ont discuté pendant 20 minutes avant de se lever et de sortir de la salle sans avoir regardé un seul instant le film.

3-     La sainte-nitouche effarouchée par les sexes masculins montrés dans Les milles et une nuits de Pasolini qui soupirait toute les deux minutes en disant à sa copine « on y va ! » mais qui est quand même restée toute la séance !

 

"Pire film vu de toute ma vie" :  J’en ai vu au cours de ma jeunesse mais je pense que celui que j’ai détesté le plus (et que je déteste toujours autant !) est bien Mad Max 3 de George Miller.


Un faiseur surestimé : Patrice Leconte (parce qu’il était bon comme faiseur quand il tournait pour Blanc ou le Splendid et qu’il est devenu épouvantablement mauvais lorsqu’il s’est pris pour un auteur).

 
Une œuvre sous-estimée : Pas vraiment sous-estimée mais je la considère comme un véritable petit chef-d’œuvre : le magnifique de Philippe de Broca.

 
Un décor : L’école si familière et pourtant si lointaine de The breakfast club (John Hugues)


Un somnifère : J’avais pris l’habitude, adolescent, de regarder les films programmés autour de minuit sur la Télévision Suisse Romande. J’y ai découvert énormément de classiques du cinéma fantastique et d’épouvante (de Poltergeist à la série des Damien en passant par Les griffes de la nuit et les Halloween). Une fois, j’ai regardé Deux filles au tapis de Robert Aldrich (avec Peter Falk) et c’est sans doute la seule fois de ma vie où je me suis endormi devant ma petite télé noir et blanc…Jamais revu le film depuis.

Un choc plastique : 2 films : The wall d’Alan Parker (comment ai-je pu être bluffé par ce gros clip boursouflé ?) et Trop belle pour toi de Blier, découvert en première avec un copain grâce à Mad Movies (eh, oui ! je me souviens très bien de la notule élogieuse de Putters) et qui m’avait donné pour la première fois l’impression de voir un film « philosophique » (sic !)

Et pour terminer, quelques souvenirs à la Perec :

 
Je me souviens que mon père nous a toujours défendu de regarder La soupe aux choux qu’il jugeait « vulgaire » alors que les derniers de mes frères en firent leur film culte.


Je me souviens avoir refusé de regarder La nuit du chasseur avec toute la famille pour découvrir, dans ma chambre, Tranches de vie de Leterrier (d’après Lauzier)

 
Je me souviens avoir été hébergé chez un copain pendant que mes parents étaient en voyage. Nous avions commencé à regarder le roi des cons de Claude Confortes avec Francis Perrin (toute une époque !) mais au bout de 20 minutes, son père a jugé le film « scabreux » et nous a envoyé nous coucher.


Je me souviens de la diffusion en prime-time de Joy sur feue La 5 de Berlusconi. Tous les internes du lycée (dont j’étais) avaient réservé leur soirée télé hebdomadaire pour cette diffusion. Après moult tergiversations, les surveillants nous avaient autorisé à le regarder. Je n’ai absolument plus aucun souvenir de ce film.


Je me souviens des films avec un carré blanc.

 
Je me souviens être tombé sur une scène très crue de masturbation féminine un soir sur la chaîne suisse allemande. J’étais persuadé alors de découvrir mon premier film porno (précisons que chez mes parents, nous ne recevions pas même en clair Canal +) alors qu’il s’agissait du beau film d’Alain Tanner Une flamme dans mon cœur.

 
Je me souviens avoir regardé sur Arte Jambon, jambon le soir de la finale de la coupe du monde de foot de 1998. (eh oui, aux sportifs velus, j’ai toujours préféré Pénélope Cruz !)

 
Je me souviens du premier film que j’ai vu tout seul en salle : Une créature de rêve de John Hugues tandis que mon cousin avait été voir de son côté Dream lover de Pakula.

 
Je me souviens de Grace de Capitani, de Christine Dejoux, de Thérèse Liotard, de Fanny Cottençon, d’Anne Jousset, de Corinne Charby (la petite Bens !) et de la merveilleuse Isabelle Pasco.

 
Je me souviens de Rue Barbare de Gilles Béhat, vu chez un copain du village.

 

Je me souviens que mon père avait empêché ma mère de m’enregistrer Possession de Zulawski.

 
Je me souviens de mon petit frère (qui ne devait pas avoir plus de 7, 8 ans) mangeant sans rechigner devant l’écran pendant que nous regardions à la télévision les exactions sanglantes de Ré-animator de Stuart Gordon.

 
Je me souviens de certains titres qui m’ont fait rêver en les découvrant dans Pariscope : la nuit porte-jarretelles, Ce plaisir qu’on dit charnel, Glissement progressif du plaisir


Je me souviens de Diabolo menthe (Diane Kurys), du Grand chemin (JL. Hubert)  et de l’argent de poche (Truffaut)

 
Bon, je m’arrête là pour cette fois ! A vous de jouer…

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