La femme qui pleure au chapeau rouge (2010) de Jean-Daniel Verhaege avec Amira Casar, Thierry Frémont, Ariane Ascaride (L.C.J Editions) Sortie le 7 Mai 2013

 femme-qui-pleure-au-chapeau-rouge.jpg

 

J'aurais mauvaise grâce à me plaindre qu'un éditeur DVD, bien disposé à collaborer avec un modeste blog comme le mien, m'envoie plus de films que ceux réclamés. Mais du coup, les sympathiques éditions L.C.J m'ont gracieusement offert quelques téléfilms que je me sens désormais obligé de regarder. Or, pour ma part, le téléfilm n'est qu'un pâle ersatz : ça a les allures du cinéma, la couleur du cinéma, les acteurs de cinéma mais ce n'est pas du cinéma.

Je reconnais cependant que la différence est parfois ténue et que la confusion est possible dans la mesure où 70% des films qui sortent en salles pourraient relever de la télévision (vous croyez vraiment qu'Anne Fontaine et Pascal Bonitzer font du cinéma?). Et il est même arrivé à ladite télévision de produire des œuvres pouvant largement entrer dans la catégorie « cinéma » (souvenons-nous de la belle collection Tous les garçons et les filles de leur âge produite par Arte).

De la même manière, lorsqu'on regarde la filmographie de Jean-Daniel Verhaege (j'ai réalisé en la consultant que j'ai vu il y a une quinzaine d'années son adaptation de Bouvard et Pécuchet dont je garde un souvenir agréable, surtout grâce à l'interprétation de Marielle et Carmet), on constate que ce cinéaste ne fait que poursuivre à la télévision cette tradition des réalisateurs français des années 50 (les Delannoy, Christian-Jaque, Autant-Lara...) qui livraient régulièrement des adaptations académiques et luxueuses des grands classiques du patrimoine littéraire.

 

Sans être une œuvre désagréable, La femme qui pleure au chapeau rouge regroupe un peu tout ce qui me tient généralement éloigné du téléfilm. Il s'agit d'une biographie romancée de Dora Maar, photographe et muse des surréalistes, maîtresse de Bataille avant de devenir celle de Picasso. Histoire intéressante donc, mais que le cinéaste ne fait qu'illustrer assez platement. Comme tout téléfilm, c'est le scénario qui importe avant tout et rien de plus. Le récit reste donc très anecdotique (la prise de conscience de Picasso face à la guerre et sa volonté de peindre le massacre de Guernica, le fameux mot du peintre lorsqu'il refuse de signer un dessin en prétendant qu'il veut remplir un livre d'or et non pas racheter un hôtel...) et se perd un peu dans son côté « Musée Grévin » (on croise les silhouettes de Bataille et Eluard).

Si Amira Casar est très bien dans le rôle de Dora Maar, je suis moins convaincu par l'interprétation de Thierry Frémont qui surjoue l'artiste génial jusque dans l'emploi artificiel de l'accent espagnol. Comme tout le film, ce jeu a quelque chose de trop illustratif (on est plus dans le mimétisme que dans une volonté de créer un véritable personnage) pour convaincre.

 

La femme qui pleure au chapeau rouge est une œuvre relativement soignée mais qui ne parvient pas à être autre chose qu'une somme de vignettes académiques et poussiéreuses. Rien qui n'élève le personnage de Dora Maar au-delà de ce que l'imagerie d’Épinal a figé (la maîtresse de Picasso qui se brûlera les ailes au feu de cette passion). Rien qui ne surpasse vraiment le cliché de l'artiste polygame insupportable (le portrait de Picasso est particulièrement chargé).

On suit donc ce récit avec un certain intérêt « historique » (encore que certains personnages de la vie de Dora Maar, comme Jacques Lacan, ne sont pas du tout évoqués : sans doute pas assez « grand public »!) mais d'un point de vue cinématographique, il se révèle un peu ennuyeux et sans grand relief.

 

Reste à savoir s'il est possible, dans le cadre du cahier des charges imposé par les télévisions (que ça soit France Télévision ou TF1, c'est exactement la même chose), à de véritables créateurs d'imposer autre chose que ces récits formatés et beaucoup trop linéaires pour transporter le spectateur...

Retour à l'accueil