JLG/GC
Jean-Luc Godard par Gérard Courant (1978-2015) de Gérard Courant. (Editions L’Harmattan vidéo)
Les archives de Gérard Courant sont d’une telle richesse qu’il lui est désormais possible d’opérer à des sélections thématiques autour de certaines personnalités. Ce double DVD disponible chez L’Harmattan est une compilation de films autour de Jean-Luc Godard, sans doute l’un des auteurs que Courant admire le plus.
Le 22 février 1981, Courant rencontre le maître au festival de Berlin et le filme pour sa série Cinématon. Ce portrait reste encore aujourd’hui l’un des plus fameux de l’entreprise et il est très beau (Godard ne fait absolument rien mais il se dégage pourtant de ce film une véritable intensité).
Courant a ensuite regroupé 30 portraits de personnalités ayant croisé, d’une manière ou d’une autre, la route de JLG, que ce soit ses comédiens (L.Szabo, Julie Delpy, Jean-François Stévenin, Jean-Christophe Bouvet, Samuel Fuller, Roland Blanche…), son complice de la période Dziga Vertov (Gorin) ou des critiques qui ont souvent parlé de son travail (Douchet, Daney, Bergala, Païni…).
J’ai suffisamment glosé autour des Cinématons pour vous épargner de nouvelles considérations sur ces portraits qui méritent pourtant d’être vus ou revus. De la même manière, le deuxième DVD propose un « Carnet filmé » dont j’ai déjà parlé ici. Redisons néanmoins que le dispositif en damier de quatre cases de Jean Douchet analyse Vivre sa vie de Jean-Luc Godard au cinéma Devosge de Dijon (2011) est passionnant et mérite le détour.
Enfin, le seul film que je ne connaissais pas s’intitule L’âge d’or de Jean-Luc Godard et il s’agit tout simplement de la compression des quinze premiers longs-métrages du cinéaste. Le mot « compression », il faut à la fois l’entendre au sens premier du terme (les films sont réduits à un court-métrage de 3 ou 4 minutes où tous les plans originaux sont présentés en version accélérée) et au sens « artistique » puisque Courant revendique clairement sa filiation avec les Nouveaux Réalistes (César, Arman) et transforme un objet filmique connu en une sorte d’installation post-moderne (l’œuvre est réduite au statut de « signe »).
Pour être tout à fait honnête, les compressions ne sont pas la partie qui me passionne le plus dans le travail de Courant. Je comprends la démarche et la trouve intéressante mais elle ne me touche pas vraiment. On sait que le cinéaste est un féru de toutes les mythologies populaires contemporaines, qu’il s’agisse du cyclisme ou des stars immortelles (Marilyn ou Brigitte Bardot). Godard, à sa manière, fait partie de ces mythes contemporains et Courant cherche à conserver quelque chose de l’aura des œuvres dans ses compressions, en faire une sorte de digest pour l’époque. Si l’éclat des œuvres originales brille toujours autant pour le cinéphile, ces compressions sont un peu frustrantes même si elles donnent envie de revoir les films pour des raisons personnelles à chacun : ceux adorés et connus par cœur (ma tétralogie A bout de souffle, Le Mépris, Pierrot le fou, Week-end) ou ceux vus une seule fois et il y a longtemps (Les Carabiniers, Le Petit soldat, Deux ou trois choses que je sais d’elle).
Finalement, la dimension la plus intéressante de ces compressions est leur incroyable fétichisme. Ce n’est plus l’œuvre qui est aimée comme telle mais les signes qu’elle projette et qui font travailler nos mémoires et nos affects : le visage de Jean Seberg, les larmes d’Anna Karina, le peignoir de Bardot, l’air mutin de Catherine-Isabelle Duport (clin d’œil amical à Jérôme Leroy), les couleurs à la Mondrian de Pierrot le fou et Made in USA, les petits livres rouges de La Chinoise, le travelling hallucinant et halluciné de Week-end…
Au bout du compte, L’âge d’or de Jean-Luc Godard traduit surtout l’admiration que Gérard Courant porte au cinéaste qui finira par lui renvoyer la balle de fort belle façon puisque la bande-annonce de son Film socialisme sera, tout simplement, la compression dudit film…