Le grand alibi (2008) de Pascal Bonitzer avec Miou-Miou, Pierre Arditi, Lambert Wilson, Valéria Bruni-Tedeschi, Mathieu Demy

 

Autant ce début d’année civile a été riche en sorties attendues et variées (même si toutes les promesses n’ont pas été, loin s’en faut, tenues), autant depuis quelques semaines je rechigne à me déplacer en salles tant la programmation me semble pauvre et peu stimulante (et ça va durer tout le mois de mai !).

Pour ne pas me priver totalement du grand écran, je me suis décidé à aller voir le dernier film de Pascal Bonitzer (son cinquième en tout), adaptation on ne peut plus classique d’un roman d’Agatha Christie (le vallon).

Le hasard faisant bien les choses, il se trouve que j’ai trouvé et lu il y a peu un essai dudit Bonitzer intitulé Le regard et la voix. Il s’agit en fait d’un recueil d’articles donnés pour la plupart dans les Cahiers du cinéma au milieu des années 70. Le cinéaste s’en prend assez vertement à cette tendance qui fleurissait alors à cette époque et qu’il baptisa avec Daney : le rétro (symptomatiquement, il s’en prend à Lacombe Lucien de Malle et à l’affreux Portier de nuit de Cavani).

Or en découvrant le grand alibi, on se dit que Bonitzer est entièrement passé du côté de ce « rétro », pas au sens idéologique du terme mais esthétique. Nous sommes vraiment devant du cinéma des années 50 : scénario bétonné, adaptation littéraire vaguement policière et numéros d’acteurs en roues libres…

Autant les deux premiers films de Pascal Bonitzer (Encore et surtout Rien sur Robert) témoignaient, si ce n’est d’un style, tout du moins d’un ton assez agréable, nous rappelant qu’il avait été auparavant le scénariste de grands cinéastes (Rivette, Ruiz…), autant la suite s’est avérée de plus en plus médiocre et il a fallu que je consulte à nouveau mes notes pour me souvenir du titre de son pénultième film, l’insipide Je pense à vous dont je n’ai plus le moindre souvenir (c’est dire si c’est un film marquant puisqu’il doit avoir à peine deux ans !)

 

Le grand alibi, c’est d’abord une réunion chez le sénateur qu’incarne Pierre Arditi. On ne saisit pas tellement les liens qui unissent les personnages et l’on se demande comment une modeste vendeuse de chaussures a pu se retrouver dans un tel milieu mais bref…, l’important est qu’un meurtre a lieu pendant ladite réunion (Lambert Wilson est, dieu merci, éliminé après une demi-heure de film) et, pour le spectateur comme pour les flics, de savoir qui a tué le bellâtre.

Disons-le tout net, l’adaptation du roman de Christie par Bonitzer ne possède ni le charme de celles effectuées par Pascal Thomas (Mon petit doigt m’a dit, c’est tellement mieux !), ni même celui des adaptations de Gaston Leroux par Podalydès. Sans doute parce que le cinéaste se croit plus malin que le genre et ne veut pas jouer franc-jeu. Dans un premier temps, il se concentre plutôt sur les liens entre les personnages et en bon lacanien, il s’amuse à insister sur les lapsus et autres manifestations de l’inconscient des personnages. Sauf qu’à l’inverse d’un Buñuel ou d’un Ruiz, ces manifestations sont uniquement des coups de force scénaristiques que la mise en scène illustre soit platement (on ne sort pas de l’alternative gros plans, plans moyens rapprochés), soit lourdement (lorsque des paroles sont prononcées sans destinataire précis, le cinéaste prend bien soin de souligner par un gros plan sur le visage de la personne concernée à qui s’adresse ces mots).

Le mot qui vient alors à l’esprit et qui désigne parfaitement Le grand alibi est celui de téléfilm. Bonitzer ne fait jamais de cinéma mais se contente d’illustrer un scénario par ailleurs pas franchement renversant (d’autant plus que la dimension policière est pratiquement évincée mis à part le dernier quart d’heure). Pour le soutenir, il le confie à des comédiens chevronnés qui ne m’ont pas paru exceptionnels. Ils ne sont pas mauvais mais ils se contentent d’un tour d’honneur en répétant les numéros pour lesquels on les connaît (Wilson en séducteur veule, Arditi en ronchon blasé…). Seul Mathieu Demy m’a paru un peu plus à l’aise que les autres. Voilà un excellent acteur que nous aimerions voir dans un rôle à sa mesure.

(Pour des raisons strictement libidineuses, l’actrice italienne dont j’ai oublié le nom est aussi pas mal !)   

Soyons honnête, le résultat n’est pas totalement déshonorant et l’on suit l’intrigue sans vraiment s’ennuyer. Mais on peut aussi se demander pourquoi ce film bénéficie d’une sortie en salles alors que sa place est un prime-time sur France 3 dans le cadre d’une collection consacrée à Agatha Christie…

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