Madame Edouard (2004) de Nadine Monfils avec Michel Blanc, Didier Bourdon, Dominique Lavanant, Olivier Broche, Josiane Balasko, Annie Cordy


Ma note sur le dernier opus de Clint Eastwood et les remous qu'elle a pu provoquer ont un peu fait oublier mon classement des meilleures comédies françaises (n'hésitez pas à concourir !), classement où n'entrera sans doute jamais Madame Edouard de Nadine Monfils pour deux raisons. D'une part, parce que c'est une comédie belge, d'autre part, parce que c'est une comédie ratée.

Réalisatrice mais également dramaturge et écrivain, Nadine Monfils aime visiblement l'humour noir. Son dernier roman, Nickel blues, est une sorte de polar burlesque assez gore et résolument porté sur l'humour macabre (l'un des adolescents du bouquin promène pendant un certain temps la tête de sa mamie assassinée sous le bras !). Or ce qui passe éventuellement en littérature (rien de transcendant dans cette œuvre qui se lit néanmoins sans déplaisir, malgré un récit qui s'essouffle assez vite et qui déçoit sur la fin) passe beaucoup plus difficilement au cinéma. D'autant plus difficilement que la cinéaste ne dépasse pas le stade de l'illustration imagée de dialogues foisonnants de « bons mots d'auteur ».

Je ne sauverais, éventuellement, du film que deux scènes. D'abord, son tout premier gag qui n'a rien de tordant mais qui a le mérite de n'exister que grâce à un long mouvement de caméra qui permet de le dévoiler (au moins, ça ressemble à du cinéma !). Ensuite, la scène de rencontre entre Madame Edouard (Didier Bourdon) et sa fille. Leur dialogue n'a pas grand intérêt et l'on sent LA scène d'émotion que doit renfermer toute comédie qui se respecte. Or lorsque le vieux travelo que joue Bourdon dévoile sa vraie nature et enlève sa perruque, Nadine Monfils coupe la scène et n'offre pas le contrechamp attendu sur le visage de la fille. Cette coupe brutale m'a semblé être l'unique idée de mise en scène de Madame Edouard.

Le reste ne se distingue absolument pas du tout-venant de la comédie actuelle, si ce n'est un goût prononcé pour le kitsch (Annie Cordy vend des gadgets aussi inutiles qu'immondes, Josiane Balasko est toujours attifée comme un épouvantail multicolore et arbore de splendides boucles d'oreille en forme d'aquarium -avec de véritables poissons à l'intérieur- ou de capotes anglaises) et l'humour noir (le chien qui emporte les bras des cadavres, la visite épique chez un légiste...).

Sauf que l'humour noir est très édulcoré (ça reste une comédie « familiale » et même le magnifique de De Broca paraît plus « hard ») et qu'il ne repose, globalement, que sur les dialogues.

Une scène m'a paru très significative : Michel Blanc (pas très bon : on a toujours l'impression que le film est monté « court » pour éviter de montrer que le comédien se marre, ce qu'il n'arrive pas toujours à dissimuler) et son sous-fifre (Olivier Broche, transfuge des Deschiens) marchent dans un cimetière au rythme de la musique guillerette composée par Bénabar. Soudain, la musique s'arrête brutalement et Blanc sort son bon mot avant que ne repartent les flonflons ! Tout le film semble construit de cette manière : le récit, la musique et les images ne sont là que pour encadrer et mettre en valeur des dialogues pas forcément terribles (mises à part deux ou trois répliques assez drôles).

Les quelques références à la Belgique chère à notre cœur (celle de Magritte et des gueuzes) ne suffisent pas à forcer l'intérêt du film. Les comédiens, exceptée Balasko, ne m'ont pas paru très à l'aise et le film tombe vite comme un soufflé raté.

Dommage ! L'humour noir est un domaine suffisamment peu exploré pour qu'on salue les tentatives en ce sens. Espérons que Nadine Monfils parvienne un jour à mettre en berne son côté potache et nous offre une vraie comédie macabre.

C'est tout le mal que nous lui souhaitons...


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