L'évènement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune (1973) de Jacques Demy avec Catherine Deneuve, Marcello Mastroianni, Micheline Presle, Claude Melki



Je m'étais promis, en recevant cette intégrale Demy, de manifester un intérêt égal pour toutes les œuvres du maître et de me distinguer ainsi de tous les rabats joies méprisant certaines de ses pièces mineures. Or malgré toute l'affection que je porte au cinéaste (on a dû s'en rendre compte !), l'évènement... est un film médiocre que je n'arrive pas à sauver, malgré la sympathie spontanée que m'inspirait le projet.

J'ai bizarrement pensé au Calmos de Blier : les deux films ayant comme point commun d'être devenus très rares alors que leurs auteurs sont reconnus et ils traitent tout deux d'un « problème de société » sous l'angle de la comédie. Bien sûr, le ton est radicalement opposé : autant Blier nous livre une farce agressive et outrée, autant Demy joue la carte de la fable amusée et quotidienne.

Ces deux films prouvent, en tout cas, qu'il vaut souvent mieux éviter le sens du vent. Car si Calmos fut détesté au moment de sa sortie, sa rage antiféministe a tendance à bien vieillir et à séduire tandis que le féminisme de Demy (c'était l'époque) s'avère gentiment fade 35 ans après sa sortie.

Pour ceux qui l'ignorent, l'évènement le plus important évoqué par le titre du film n'est rien d'autre que le premier homme « enceinte » de l'humanité (la grossesse dont souffre Mastroianni vient sans doute d'aliments contaminés par la pollution : le film n'oublie pas d'être aussi gentiment écologiste).

Demy traite donc son sujet sur le mode de la comédie mais passe à côté.


Premier défaut : le casting. Outre une distribution qui évoque bizarrement les pires nanars franchouillards tournés à la même époque (Alice Sapritch, Micheline Dax, Jacques Legras...), Demy confie à Deneuve un rôle de...coiffeuse. Or c'est peu dire que la grande Catherine s'avère aussi crédible ici que Yolande Moreau en robe du soir chez Castel ! C'est l'une des rares fois où j'ai vu cette actrice jouer faux. Elle passe complètement à côté de son rôle.


Deuxième défaut : Demy avoue avoir voulu faire un film « quotidien » et il perd toutes ses capacités à sublimer la réalité. Dans sa présentation du film (qui est sans doute la plus inintéressante de celles que j'ai pu voir jusqu'à présent), Marie Colmant loue les décors et vêtements de ce film (leur côté kitsch). Or ces décors n'ont rien d'une re-création du cinéaste comme c'était le cas dans Les parapluies de Cherbourg ou Les demoiselles de Rochefort : il s'agit simplement d'une utilisation du mauvais goût de l'époque (les 70'). Ca a l'air d'un détail mais c'est primordial car tout est à l'avenant : montage paresseux, incapacité à faire décoller cette fable (sinon par quelques piques critiques anodins envers la publicité et les mass medias) au-delà du train-train du récit...

Pour ne rien arranger, le cinéaste nous impose deux chansons de... Mireille Mathieu dont l'une en concert où l'écoute Catherine Deneuve. Ca m'a rappelé le navet de Lelouch (lequel ?) où, à mon grand scandale, le cinéaste avait osé nous présenter un morceau d'un concert de Johnny alors qu'il disposait, comme acteur, de Jacques Brel !

Reste quelques répliques amusantes et Marcello Mastroianni qui excelle à jouer les hommes inquiets dans leur virilité même. Il est à la fois l'incarnation parfaite du « mâle » à l'italienne tout en jouant merveilleusement l'auto ironie et la fragilité. Il incarna mieux que quiconque le désarroi de l'homme contemporain et il s'avère ici tout à fait convaincant.

Avec Mastroianni en tête d'affiche et un sujet comme celui-ci, on espérait sincèrement une fable grinçante à la Marco Ferreri. D'ailleurs, j'ai beaucoup songé au merveilleux (et trop méconnu) Break-up, où le même acteur jouait un homme obnubilé par des ballons, symbole de son ventre infécond et dont l'obsession le poussait à la folie.

Demy s'en tient malheureusement à la surface des choses : son film n'est pas complètement désagréable mais il est lisse et fade, sans la moindre aspérité. Et ce n'est pas les deux ou trois (légitimes) revendications pour le droit des femmes qu'il édicte qui le rendent plus intéressant.

Dommage !

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