Collections privées (1979) de Just Jaeckin, Shuji Terayama et Walerian Borowczyk avec Roland Blanche, Laura Gemser



Petit retour en arrière sur la situation du cinéma érotique il y a tout juste 30 ans. Dilemme pour les producteurs et les cinéastes de l'époque : d'un côté, opter pour la pornographie en se condamnant d'office aux ghettos institués par la déplorable loi X et s'attirer l'opprobre générale ; de l'autre, jouer la carte de l'érotisme « respectable » et soft en sachant que les habitués de ce type de spectacles ont désormais tendance à préférer des plats plus salés (le temps où Emmanuelle triomphait sans pudeur sur les grands boulevards est bel et bien révolu).  

Collections privées tente d'apporter une solution à ce dilemme : d'une part, en  divisant le film en trois sketches signés par des « valeurs sûres » de l'érotisme (Just Jaeckin et Walerian Borowczyk), de l'autre, en proposant une « plus-value » culturelle, gage de respectabilité,  en faisant appel à un « auteur » (Terayama) et en s'appuyant sur notre patrimoine littéraire (le dernier épisode est une adaptation de Maupassant).

Le résultat est très en deçà de nos éventuelles espérances :

Just Jaeckin reste égal à lui-même, à savoir totalement nul ! L'île aux sirènes, pourtant scénarisé par un Jean-Michel Ribes qu'on a connu plus en forme, est parfaitement conforme à sa manière habituelle : esthétique de cartes postales, exotisme de pacotille (un naufragé se fait recueillir sur une île déserte par quatre jolies créatures aux seins nus) et érotisme de spot publicitaire (disons que c'est aussi excitant qu'une pub pour un yoghourt !). Le résultat est aussi languissant que ses navets populaires (Emmanuelle, Histoire d'O, Madame Claude...). Seul un épisode sanglant (je vous rassure, ça n'était qu'un rêve !) fait soudain basculer ce dépliant touristique du côté d'une série Z à la Joe d'Amato (présence de la craquante Laura Gemser oblige !). Du coup, le spectateur ouvre un œil et se retrouve prêt pour Le labyrinthe d'herbes de Terayama. 

De ce cinéaste, je n'ai vu que le médiocre Les fruits de la passion et son casting hautement improbable (Klaus Kinski, Arielle Dombasle !) mais je rêve de découvrir ses premiers films dont l'inspiration anarchiste m'a l'air bien réjouissante (Jetons les livres, sortons dans la rue ; l'empereur Tomato Ketchup...) 

Lorsque débute le sketch, on pousse un soupir de soulagement : enfin du cinéma ! C'est effectivement joliment cadré, le montage est tranchant à souhait et l'on sent tout de suite une « respiration » cinématographique. Malheureusement, le cinéaste joue la carte de la fable initiatique (un jeune homme recherche, à la mort de sa mère, les paroles d'une comptine de son enfance) mais perd rapidement le spectateur sous une rafale de symboles (la pierre de fécondité) et de fantasmes ésotériques (le jeune homme couche avec une prostituée dont le visage se confond avec celui de la mère). Pour le dire très simplement, je n'ai absolument rien compris au film !

Reste Boro qui adapte Maupassant. Dans sa savoureuse note sur les années 80, l'ami Joachim a oublié de mentionner (s'en souvient-il ?) une série télévisée (produite par France 3) qui me procura quelques émois et qui s'intitulait Série rose. Il s'agissait de petits sketches érotiques adaptés de nouvelles libertines de grands écrivains (Sade, Brantôme, Maupassant, Restif de la Bretonne...) dont certains furent d'ailleurs réalisés par Borowczyk. Eh bien j'allais dire que L'armoire fait presque figure d'épisode pilote de cette série qui allait débuter sept ans plus tard. En effet, le résultat est soigné, fadement décoratif et d'un académisme assez plat. Ce n'est pas, à proprement parler, désagréable ou laid mais c'est juste insipide (là encore, « l'érotisme » de l'épisode se limite à quelques poitrines dévoilées) et illustratif (je ne sais pas comment le critique de la Saison 79 a osé écrire que certains plans rappelaient le cinéma d'Ophuls !).

C'est d'autant plus regrettable que le cinéaste nous avait bien séduit avec l'érotisme vigoureux et séditieux de ses Contes immoraux et de sa Bête.

Dès 1979, on sent le déclin qui fera de lui un anonyme tâcheron oeuvrant sur le cinquième épisode de l'increvable série Emmanuelle...

Dommage...

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