Une tendance lourde du cinéma français
Mon meilleur ami (2006) de Patrice Leconte avec Daniel Auteuil, Dany Boon, Julie Gayet
L'un des mérites des chaînes câblées est indéniablement de permettre au cinéphile de tâter le pouls d'une certaine tendance du cinéma français « populaire » sans subir le calvaire d'une vision en salle. J'ai un peu honte de l'écrire comme ça (peur de devenir, malgré moi, un vieux con !) mais le cinéma contemporain m'intéresse beaucoup moins et lorsque les derniers représentants de la Nouvelle vague vont nous quitter, je me demande bien quel (jeune) cinéaste j'aurai envie de suivre.
Patrice Leconte n'est pas à proprement parler un « jeune » cinéaste mais il a depuis longtemps rejoint la cohorte des anonymes tâcherons qui constituent ce que j'avais appelé un jour le « ventre mou » du cinéma français. S'il a pu faire illusion le temps de trois films (Tandem, Monsieur Hire et le mari de la coiffeuse, films que je crains d'ailleurs de revoir), le cinéaste a depuis prouvé qu'il n'avait pas une once de talent (même un film médiocre comme Ridicule me paraît éhontément surestimé !) et s'il n'y avait pas Internet, je serais bien incapable de vous citer ses derniers titres (j'en ai vu certains mais je n'ai plus le moindre souvenir de La fille sur le pont ou Félix et Lola sinon qu'ils étaient nuls)
Inutile de s'attarder sur Mon meilleur ami qui n'a plus rien à voir avec du cinéma (le fait d'ailleurs que le final nous inflige un quart d'heure de l'ignoble jeu de Jean-Pierre Foucault prouve que nous sommes dans du pur produit télévisuel). Daniel Auteuil y incarne un marchand d'art qui se découvre un jour sans ami et qui à la suite d'un pari tente de prouver qu'il en a au moins un. Il jettera son dévolu sur Dany Boon, modeste chauffeur de taxi mais cultivé comme un professeur du Collège de France et respirant la joie de vivre...
Situations archi-convenues, personnages taillés à la hache (tout noir ou tout blanc), situations auxquelles on ne croit pas un seul instant (vous connaissez une personne au monde qui oserait avouer à l'une de ses relations qu'elle ne la considère pas comme son ami ? Qui plus est lorsque ladite relation est riche !) constituent le menu de cette comédie formatée et prévisible de bout en bout.
Daniel Auteuil se croit ici dans un film de Sautet et joue son personnage d'homme vieillissant et tourmenté sans apporter la moindre fantaisie à un personnage qui est censé être drôle. Quant à Danny Boon, vous allez dire que c'est encore mon esprit de contradiction qui se manifeste mais je n'arrive pas à comprendre l'engouement que peut susciter ce comédien au charisme d'asperge. On sent qu'il veut jouer les braves gars un peu simplet mais au cœur gros comme ça (un peu dans la lignée de Bourvil) mais il n'est ni drôle, ni véritablement « sympathique » : juste fade et insignifiant. Là encore, le personnage qu'il défend est totalement invraisemblable.
Le pire, c'est peut-être la laideur visuelle de ce film. A l'anonymat téléfilmique de la mise en scène, Leconte ajoute des petits tics hideux que rien ne justifie. La caméra n'est jamais « stable » et chaque plan est troublé par un petit « hoquet » (un vilain léger décadrage au zoom, un petit mouvement saccadé latéral...) sans que l'on comprenne pourquoi.
Malgré Julie Gayet (que j'adore mais je n'insiste pas plus parce que mes frère vont se moquer de moi !), Mon meilleur ami ne présente pas le moindre intérêt...
NB : Le speaker de service nous a appris hier soir que Leconte projetait d'arrêter définitivement sa carrière dans deux films. Ce « calcul » me paraît assez symptomatique de ce qu'est devenu son cinéma : une œuvre de fonctionnaire s'arrêtant quand il en a fini avec ses trimestres. Je comprends parfaitement qu'un artiste puisse connaître une crise d'inspiration ou prenne 15 ans pour faire un film mais je n'arrive pas à envisager qu'il puisse penser n'avoir plus rien à dire (même Bergman a refait des films après Fanny et Alexandre) d'un coup.
A moins de n'être plus qu'un fabricant de produits manufacturés...