Stances à W.C.Fields
La parade du rire (1934) de William Beaudine avec W.C.Fields
Folies olympiques (1932) d’Edward F.Cline avec W.C.Fields
Je vous ai déjà fait part de l’admiration que je porte pour le cinéma burlesque américain et même s’il n’a rien d’original, je ne tairai pas mon goût pour Chaplin, Keaton, Laurel et Hardy, Harold Lloyd et même pour des comiques plus tardifs (et plus controversés) comme Abbott et Costello. Mais s’il fallait faire un choix et distinguer mes véritables chouchous, mon cœur pencherait à la fois vers les Marx Brothers et W.C.Fields. A la différence de Chaplin et Keaton, ceux-là ne furent pas cinéastes et, confiant leur génie à d’anonymes tâcherons, leurs œuvres sont intrinsèquement moins bonnes d’un point de vue cinématographique (encore que les Marx aient tourné avec le grand McCarey et le respectable Norman Z.McLeod). Cependant, leur humour me semble plus « actuel », plus délirant et plus méchant. Leur souci constant fut toujours de repousser les limites du rire et de dépasser les bornes, soit par un joyeux délire anarchique (les Marx), soit par la méchanceté (Fields). Comment ne pas aimer ce personnage atrabilaire et rétif à toute bienséance ? Comment ne pas sympathiser d’emblée pour un personnage déclarant que « quelqu’un qui n’aime pas les enfants et les chiens ne peut pas être tout à fait mauvais » ? (Desproges dira que c’est pour le punir de cette phrase que le bon Dieu lui donna un nom de chiottes !). Bref, la chaîne Cinéclassic eut une drôle de bonne idée en consacrant un double-programme (triple, en fait, mais je n’ai pas eu le courage de regarder le troisième par peur de ne pas pouvoir émerger à 5 heures 45 le lendemain !) réjouissant à notre grand méchant préféré.
Première partie : la parade du rire (The old-fashioned Way) de William Beaudine. Les amateurs de séries Z obscures connaissent obligatoirement le nom de cet invraisemblable cinéaste qui tourna plus de 200 films tout au long de sa carrière (il finit par réaliser les épisodes de l’increvable série télé Lassie, chien fidèle !). Il se consacra à ses débuts au burlesque (outre Fields, il fit tourner Mary Pickford et Harry Langdon) , fut le réalisateur attitré de plusieurs « teams comiques » oubliées (les East Side Kids et tout de même 25 films avec les Bowery boys !) avant de se consacrer aux nanars fantastiques dont certains titres laissent rêveurs (Billy the Kid Vs. Dracula, Jesse James meets Frankenstein’s daughter…). Vous saurez (presque) tout en apprenant qu’il tourna également un des premiers films d’éducation sexuelle en 1949 (Mom and dad) et qu’il offrit de nombreux films fantastico-comico-ringards à Bela Lugosi (mon âme contre la vision de Bela Lugosi meets a Brooklyn gorilla !)
Beaudine avait la réputation de tourner vite et peu, s’obstinant à ne se satisfaire que d’une prise, même ratée. D’ou peut-être cette légère impression de laisser-aller dans une mise en scène d’une rare platitude. Qu’importe : W.C.Fields est assez irrésistible dans ce film qui bénéficie en outre d’une séquence d’anthologie où notre bonhomme est confronté à sa grosse bête noire : un enfant. Hilarant dîner où le bambin martyrise Fields (montre trempée dans la mélasse, projectiles dans la soupe…) et où à la faveur d’une diversion générale, l’adulte se venge en lui foutant discrètement un coup de pied au derrière. De quoi réjouir les pédophobes !
Folies olympiques (Million dollar legs) s’avère beaucoup plus tonique et rythmé. Pourtant, le nom d’Edward Cline n’a guère été retenu par la postérité. C’est le type même de l’exécutant consciencieux qui consacrera sa carrière à servir les plus grands comiques (il a tout de même été le co-réalisateur des Trois âges de Buster Keaton) comme des plus obscurs (un film des Ritz brothers, autre « team comique » bien oubliée !). Sa réalisation est néanmoins beaucoup plus nerveuse et le film bénéficie en outre d’un scénario signé Joseph Mankiewicz (ce qui n’est pas rien, vous en conviendrez). Cette histoire d’un président d’une République imaginaire qui, sur les conseils d’un VRP amoureux de sa fille, tente de renflouer les caisses de l’Etat en faisant participer ses ouailles aux jeux olympiques est totalement loufoque et non-sensique. On y croise des ministres véreux qui tentent de renverser le président en le battant…au bras de fer, un espion aux jumelles adaptées à son strabisme, une population uniquement composée de George et d’Angela, des enfants qui détournent des trains, des athlètes qui sautent à 10 mètres en hauteur et courent plus vite que les locomotives, une femme fatale à la Mata Hari qui trouble le penseur de Rodin… Les gags sont totalement absurdes et « hénaurmes », donnant à ce film une touche surréaliste drôlissime . En président porté sur le pugilat, W.C.Fields est hilarant.
Le nom d’Hellzapoppin est souvent invoqué lorsqu’on parle du non-sens burlesque au cinéma : je vous jure que Folies olympiques a moins vieilli et qu’il est plus réussi. Ne le manquez pas si l’occasion se présente…