Parking (1985) de Jacques Demy avec Francis Huster, Laurent Malet, Marie-France Pisier, Jean Marais



Maintenant que j'approche de la fin de l'intégrale Demy, je peux affirmer que la seule chose qui parvint à entraver parfois le talent du cinéaste fut « l'air du temps ». Si l'évènement le plus important...est son film le plus faible, c'est qu'il ne parvint pas à dépasser le cadre étriqué de la chronique datée des années 70. On retrouve un peu ce défaut dans le demi-échec de Parking : le film est englué dans la laideur des années 80 (ah, la coiffure d'Eva Darlan !) et ne parvint pas toujours à s'extraire de l'abomination de ces années-là.

Sur le papier, le projet était très séduisant : moderniser le mythe d'Orphée descendant aux Enfers pour chercher son Eurydice (mythe qui parcourt d'ailleurs, d'une certaine manière, certaines œuvres de Demy comme La baie des anges ou Model shop) et faire du héros mythologique un chanteur de rock à succès. On retrouve également tous les hommages imaginables à Cocteau, de la présence de Jean Marais aux fameux motards du film du poète.

Le résultat, même s'il n'est pas aussi déshonorant que certains veulent bien le dire, n'est pas tout à fait à la hauteur de nos espérances.


Demy achoppe principalement sur deux points.

Le premier, c'est le casting. Je ne l'ai pas dis auparavant mais j'avoue que les interprètes (surtout masculins) choisis par le cinéaste laisse parfois un peu sceptique. Mais comme il sut révéler des acteurs généralement fades comme Richard Berry ou Jacques Perrin, il avait toute notre indulgence. Mais aucun cinéaste au monde n'aurait pu résister au duo Malet/Huster ! C'est sans doute le tandem le plus improbable de toute l'histoire du cinéma : le premier est absolument insignifiant et transparent et le deuxième est l'un des plus abominables comédiens que le cinéma français ait jamais connu. Rien de naturel dans son jeu qui suinte l'application scolaire (au mieux) ou la fausseté la plus totale. Aucune des émotions qu'il est censé transmettre ne passe au spectateur : c'est un véritable désastre, d'autant plus que l'acteur a eu la mauvaise idée de vouloir chanter lui-même les chansons du film. Pour parfaire le duo, les producteurs japonais du film ont imposé une Eurydice japonaise. Puisque le destin d'Orphée rappelle celui de John Lennon, ce choix n'était pas totalement aberrant. Sauf que l'actrice ne parle pas un mot de français et qu'elle joue son rôle en phonétique. Là encore, elle est totalement à côté de la plaque. Reste un Jean Marais impérial en Hadès et une Marie-France Pisier délicieuse dans le rôle de son épouse et... nièce (toujours l'inceste cher à Demy !).


Le second écueil du film, sans doute plus surprenant, c'est la musique de Michel Legrand. C'est un peu injuste de ne pas avoir suffisamment insisté sur la qualité de ses collaborations précédentes avec Demy (ça semble tellement évident !) et de s'en prendre soudainement à son seul ratage. Là encore, cela vient sans doute des ignobles années 80 mais cette soupe variétoche à base de guitares électriques et de synthétiseurs Bontempi est absolument inaudible. Legrand n'est d'ailleurs pas le seul coupable parce que le parolier des chansons (Demy lui-même) n'a pas non plus été très inspiré sur ce coup-là.


Ces deux réserves posées, le film n'est pas non plus sans intérêt. Pour ma part, j'aime assez sa dimension fantastique. Je trouve, par exemple, que les scènes aux Enfers sont vraiment très belles. Demy fait d'un parking souterrain la porte desdits Enfers (ce qui n'est pas une sotte intuition !) et imagine un monde souterrain géré comme une administration (avec des guichets d'admission pour les trépassés). Ces séquences sont joliment travaillées du point de vue de la direction artistique (un univers presque noir et blanc où ne subsiste que quelques éléments rouges) et donne un véritable relief au film.

De plus, même si le film les aborde de manière plus bancale, on retrouve tous les thèmes qui parcourent l'œuvre de Demy : les individus qui laissent filer leurs sentiments, le caractère éphémère du bonheur, l'ambiguïté sexuelle (une scène assez étonnante où Huster embrasse à pleine bouche Malet) et les signes tragiques du destin.

Sans être un chef-d'œuvre, Parking n'est pas un film inintéressant. Sans doute l'expression devenue bateau de « film malade » n'a jamais été aussi bien adaptée que pour cette œuvre...

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