La vie est belle (1997) de et avec Roberto Benigni et Nicoletta Braschi

 

 

Peut-on rire de tout ? la fameuse réponse que fit Desproges à cette question mérite d’être répétée en ces temps de « politiquement correct » exacerbé. Oui ! on peut rire de tout et c’est même une nécessité. Mais on ne peut pas rire avec tout le monde. Question corollaire : peut-on rire de la Shoah avec Benigni ? Assurément oui puisque notre bonhomme fait montre d’une honnêteté irréprochable et sa sincérité ne peut  être remise en cause.

J’avais pourtant des réticences en découvrant ce film dans la mesure où j’ai souvent du mal avec les œuvres tournant autour de ce thème. La réussite de Benigni est de ne pas chercher à jouer la carte du réalisme. Là où Spielberg achoppait totalement sur la figuration d’une souffrance intraduisible cinématographiquement en ayant recours aux pires artifices mélodramatiques hollywoodiens, Benigni joue la carte de la fable. Son personnage, petit serveur juif envoyé en camp de concentration avec son fils, s’efforcera de faire passer aux yeux de l’enfant leur destinée pour un jeu afin de le préserver de l’horreur.

Idée ambiguë d’un art détournant les yeux de la réalité ? Oui et non car le cinéaste s’appuie sur l’intelligence du spectateur et ne cache jamais que derrière la comédie à laquelle il se livre se cache la pire des tragédies.

 

 

Pour dire vite, Benigni évite un bon nombre de pièges qu’il s’était tendu lui-même. L’aspect comique fonctionne plutôt pas mal (il est assurément l’un des derniers burlesques) et il nous épargne les épanchements de larmes trop faciles comme le prêchi-prêcha moralisateur. Lorsque son personnage s’improvise inspecteur devant tenir un discours sur la supériorité de certaines races, on pouvait craindre un grand moment lénifiant sur le mode « nous sommes tous frères ». Or Benigni joue au contraire la carte de l’absurde et se prend lui-même comme modèle pour témoigner de la grandeur de la race italienne. Il y a quelque chose de très drôle à voir ce grand échalas lunaire vanter la splendeur de ses oreilles et de son nombril !

 

 

Au niveau de l’émotion, c’est la même chose. Pas de racolage facile autour du personnage du petit garçon mais plutôt une certaine retenue. J’allais dire que le principal fil mélodramatique du film est en réalité ce thème qui parcourait déjà les précédentes comédies du cinéaste (le petit diable, le monstre), à savoir celui de la conquête de la femme aimée en la personne de Nicoletta Braschi. Tout se passe comme si notre bonhomme n’en revenait pas d’avoir séduit cette femme et utilisait le cinéma avec pour seul dessein de lui déclarer toujours sa flamme. C’est assez touchant.

 

 

Certes, Benigni n’est ni Chaplin, ni Lubitsch (sa mise en scène, fonctionnelle, manque un peu d’ampleur malgré quelques belles idées. Cf. l’ellipse qui fait de notre héros un père de famille juste après avoir été amant.) mais la vie est belle se révèle une jolie réussite , provoquant des rires et une émotion jamais faciles…

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