Le retour du fils prodigue
La route de Salina (1971) de Georges Lautner avec Rita Hayworth, Mimsy Farmer, Robert Walker Jr.
Même s’il a réalisé quelques polars au cours de sa (longue) carrière (la maison assassinée, flic ou voyou…), La route de Salina reste un film atypique dans la carrière de Georges Lautner, grand pourvoyeur de comédies franchouillardes devant l’éternel, même si certaines sont devenues « cultes » (enfin, cultes pour les autres car au risque de me faire haïr, je dois confesser humblement ne pas être un grand zélateur des Tontons flingueurs ou des Barbouzes).
Avec ce film au casting improbable et international, Lautner se risque au thriller psychologique poisseux en racontant l’histoire d’un jeune homme qu’une quinquagénaire « border line » (Rita Hayworth) reconnaît comme son fils disparu quatre ans auparavant. Ledit jeune homme se pique au jeu et endosse le rôle de ce fils prodigue, d’autant plus qu’il fait la connaissance de sa séduisante « sœur » (Mimsy Farmer) qui semble, elle aussi, l’adopter comme frère…
Le scénario du film n’est pas inintéressant et il faut reconnaître que Lautner possède suffisamment de métier pour nous empêcher de nous ennuyer. Sa mise en scène est même plutôt assez vive et le cinéaste n’hésite pas à utiliser la beauté des paysages pour « aérer » ses plans et ne pas s’en tenir simplement aux dialogues. Personnages qui rôdent autour de la folie, mystère du passé, sentiments troubles (notamment l’amour « incestueux » entre le frère et la sœur) : Lautner a suffisamment de cartes en main pour réaliser un film solide et plutôt bien joué (même si comme d’habitude, je trouve le jeune premier assez fadasse tandis que la grande Rita me réjouit et que je suis toujours aussi sensible au physique 70’ de la craquante Mimsy Farmer).
Pourtant, au bout du compte, La route de Salina ne parvient pas totalement à nous convaincre. D’une part, parce que le récit est somme toute assez prévisible (j’avais deviné le pot aux roses à la mi-parcours) ; d’autre part, parce que Lautner n’est qu’un simple et honnête artisan et qu’il aurait fallu à cette histoire plus d’originalité et d’ambiguïté dans son traitement. On rêve à ce qu’un Polanski de la grande époque aurait pu faire avec tous ces sentiments moites, ces secrets de familles rances, ces passions mal contrôlées et ces personnages tous plus ou moins « border line ». Lautner, quand à lui, s’en tient à l’illustration honnête et consciencieuse. Ce n’est pas nul mais ça devient un film de série bien calibré (merci Pascal Jardin pour le travail sur le scénario) mais sur lequel il n’y a pas grand-chose à rajouter.
Les nostalgiques des années 70 pourront juste se réjouir d’entendre une musique pop assez planante (et pas désagréable, mais je n’y connais absolument rien) et de constater que Lautner se laissa lui aussi gagner un temps par la progressive libéralisation des mœurs en dévoilant pour notre plus grand plaisir le corps charmant de Mimsy Farmer.
Cela n’est pas rien mais ça reste quand même un peu maigre pour nos exigences strictement cinéphiliques…