Eventreur éventé
L’éventreur de New York (1982) de Lucio Fulci
Poursuivons, si vous le voulez bien, notre exploration de l’œuvre du cinéaste italien Lucio Fulci. J’avoue que la découverte de cet Eventreur de New York ne modifiera pas la mise quant au jugement que j’émettais sur ce modeste artisan dans ma note précédente. Tel un vulgaire candidat des chiffres et des lettres, je dirai « pas mieux » en évaluant cet opus par rapport au reste de l’œuvre de notre boucher transalpin.
Une fois de plus, Fulci se contente de conventions et d’appliquer des recettes toutes faites : une ville (New York, filmée comme dans n’importe quelle mauvaise série télévisée des années 80), ses bas-fonds (nécessaires pour créer une ambiance glauque), un tueur en série qui éventre ses victimes féminines (de préférence !), une intrigue policière qui se contente dans un premier temps de faire peser tous les soupçons sur un personnage avant de révéler à la toute fin que le coupable était un autre, masquant ses forfaits sous un masque d’innocence ; enfin, un brin de psychanalyse pour expliquer les crimes (mais n’est pas le De Palma de Pulsions qui veut !)
Quant à la mise en scène, elle ne se prive pas de piquer ça et là quelques trucs aux polars de Mario Bava (notamment le jeu sur les éclairages rouges) pour relever un plat assez fade ou, du moins, très conventionnel.
Encore plus qu’aux films d’Argento et de Bava, l’éventreur de New York, réalisation contemporaine de l’ange de la vengeance de Ferrara, doit beaucoup à cette vogue de « slashers » urbains ultra-violents (avez-vous vu Maniac de William Lustig ?). Fulci, jamais en reste lorsqu’il s’agit de surfer sur une mode, donne donc ici un nouvel avatar de ces thrillers sanguinolents qui n’hésitent pas à descendre dans les bas-fonds urbains et à zigouiller de la femme « légère ». Du coup, le cinéaste racole à tous les endroits : de la violence pour les amateurs et un peu de fesses pour se reposer de la vue du sang. Je n’ai pas vu tous ses films (loin de là !) mais l’éventreur de New York est l’un des plus « érotisés » du maestro et l’on ne manquera pas de s’esclaffer devant cette scène très « téléfilm hot de M6 le dimanche soir » où une belle et respectable épouse se fait « chauffer » par des latinos dans un bar sordide (« tu ne sais pas te servir de ta queue » dit spirituellement un type à un joueur pendant une partie de billard tandis que la caméra effectue un élégant petit panoramique du regard de la belle excitée à la braguette dudit joueur !)
Dans la Saison cinématographique de 1983, le chroniqueur regrettait, à propos de ce film, que l’intrigue soit délaissée au profit des seuls effets horrifiques. 20 ans plus tard, on se dit que c’est l’inverse et que seul nous intéresse (un peu) cette gratuité dont Fulci fera preuve dans le domaine du gore. Même si l’on est loin ici des excès sanguinolents de ses films d’horreur, on sent un certain plaisir chez ce cinéaste à filmer les chairs tailladées, les jets de sang et autres réjouissances. Chaque scène de meurtre est travaillée comme un climax en-soi et devient prétexte à des expérimentations sanglantes où l’hémoglobine peut presque faire figure d’élément plastique. Pour preuve, cette scène assez effrayante où Fulci filme en gros plan une lame de rasoir qui pénètre les chairs d’une pauvre malheureuse bâillonnée et détaille particulièrement la découpe du sein ou de l’œil.
Les amateurs apprécieront tout en convenant avec moi que la réalité s’est chargée d’être beaucoup plus atroce que ce genre de perversions cinématographiques et que nous avons vu beaucoup plus répugnant depuis ! (les prisons d’Abou Ghraib ; le MEDEF, la hure de cocher enflammé de J.M.Le Pen, la Nouvelle Star, la mode des bermudas pour les filles…)