Satan mène le bal
Amityville, la maison du diable (1979) de Stuart Rosenberg avec James Brolin, Margot Kidder, Rod Steiger
Un zeste de nostalgie pour commencer. Ayant vu très tôt de nombreux films fantastiques et d’horreur, je dois avouer sans forfanterie que je n’ai pratiquement jamais eu peur au cinéma. Certains films me font sursauter (les asiatiques sont très forts pour ça, n’est-ce pas monsieur Nakata ?) ou peuvent m’impressionner vivement sur le coup (ce ne sont d’ailleurs pas souvent des films relevant du genre : je pense au choc que fut pour moi la découverte du Salo de Pasolini) mais je n’ai pas le souvenir d’un film m’empêchant de dormir ou me donnant des cauchemars (alors que je suis parvenu, avec ma note sur Visitor Q, à faire cauchemarder ma sœur ! quel talent !).
En fait, vous vous doutez que si je commence par une longue introduction générale, c’est pour citer l’exception qui confirmera la règle. Effectivement, j’ai vu Amityville tout minot et je crois que jamais un film ne m’a autant foutu la pétoche. Sans me souvenir des détails du récit, je conservais jusqu’à hier un souvenir assez vif de ce film, resté pour moi une de mes grosses trouilles de gamin. J’avais d’ailleurs un peu peur de rompre le sortilège en le revoyant hier soir et de trouver l’œuvre maîtresse du tâcheron Rosenberg sans intérêt.
Même si j’ai désormais du mal à comprendre pourquoi ce film m’a tant traumatisé (encore que…), je dois avouer que j’ai pris un certain plaisir à cette nouvelle vision. Cette histoire de maison possédée par les esprits démoniaques fonctionne plutôt bien et elle est honnêtement réalisée.
Stuart Rosenberg se souvient qu’au cœur du cinéma d’épouvante, le film de maison hantée est quasiment un genre en-soi. Suivant les traces du grand classique La maison du diable de Robert Wise, le cinéaste commence par jouer la carte de la suggestion.
Après un prologue assez sanglant qui rappelle qu’une famille a été décimée autrefois à Amityville, le film distille la peur par petites touches lorsque emménagent les nouveaux propriétaires. Avec très peu de choses (un courant d’air glacial que ne semble ressentir que le mari, des mouches qui envahissent une pièce au moment de la venue d’un prêtre, les sanitaires qui refoulent une sorte de substance liquide noirâtre…), le metteur en scène parvient à créer un climat angoissant et lourd. C’est du très classique mais c’est plutôt bien fait. En recourant parfois à des cadres insolites (plongées depuis les plafonds de la maison ou, inversement, contre-plongée donnant à certains détails du décor une nouvelle importance), Rosenberg parvient à tirer un profit maximum de la topographie de sa maison et à en faire un véritable organisme vivant et menaçant (une des façades fait songer à un visage).
Après, il y a des choses moins réussies, quelques « effets spéciaux » inutiles et vieillis (le visage du meurtrier se dessinant en surimpression sur un mur, l’espèce de monstre aux yeux lumineux…) avant un final un peu décevant entre grand guignol et queue de poisson.
Pas un chef-d’œuvre mais du bon artisanat, plutôt bien joué par ailleurs.
Ce qu’il y a d’intéressant dans Amityville, c’est la manière dont il s’inscrit dans un courant « diabolique » du cinéma américain. Après le reflux des utopies des années 60, les années 70 ont vu revenir en force la figure du Diable, que ce soit chez Friedkin (l’exorciste, son meilleur film et celui qui synthétise le mieux le manichéisme du regard de ce cinéaste) ou dans la malédiction de Donner (et les deux séquelles autour de Damien, son personnage principal). Tout se passe comme si le cinéma traduisait un renouveau de la religiosité en Amérique et des croyances de tout type (on nous affirme quand même que ce film est tiré d’un fait divers ! C’est peut-être ça qui m’a terrorisé enfant). C’est ainsi que la figure du Mal refait surface et j’ai d’ailleurs été frappé par la ressemblance de l’acteur principal (James Brolin) avec Charles Manson. L’image de ce mari « idéal » soudain possédé par les démons au point de commettre une tuerie rituelle est assez troublante dans les similitudes qu’elle peut avoir avec des images réelles.
Sur ces considérations que je ne développe pas (eh, oh ! c’est les vacances !), je vous laisse en compagnie de Satan et m’en vais me coucher…