L’avion (2005) de Cédric Kahn avec Isabelle Carré, Vincent Lindon

 

Et si le grand drame du cinéma français résidait dans la disparition des grands producteurs d’antan ? En découvrant cet épouvantable avion (autant le dire tout de suite !), je songeais à Bonheur, le meilleur film de Kahn, celui tourné pour Arte (la version longue pour le cinéma, Trop de bonheur, étant un peu moins réussie) dans le cadre de la série Tous les garçons et les filles de mon âge. Voilà une belle idée de producteur qui, mine de rien, a permis à des cinéastes aussi différents que Téchiné, Assayas, Claire Denis, Chantal Akerman et Patricia Mazuy de tourner leurs meilleurs films.

Face à un film comme l’avion, on se dit qu’il a manqué, à un moment donné, quelqu’un pour dire au cinéaste qu’il allait au casse-pipe et que ce qu’il tournait était rigoureusement impossible. Je n’arrive pas à comprendre de quel désir a pu procéder l’idée de réaliser ce conte, beaucoup trop « cinéma réaliste bourgeois français » pour plaire aux enfants à qui il semble s’adresser et beaucoup trop niais et invraisemblable pour toucher les adultes.

Croyez-moi, je n’écris pas cela de gaieté de cœur car j’ai de l’estime pour Cédric Kahn, cinéaste qui ne bénéficie pas forcément d’une grosse couverture médiatique mais qui a pourtant beaucoup plus de talent que des gens comme Beauvois ou Honoré.

Mais là, on sera bien en peine de retrouver le lyrisme sec de Roberto Succo, le caractère obsessionnel de l’ennui (jolie tentative de sortir le cinéma français des ornières du naturalisme) ou même la sincérité de Bar des rails, film pour le coup totalement caractéristique d’un certain naturalisme poisseux à la française.

Lorsque son père offre à Charly une maquette d’avion, le garçonnet se montre très déçu, lui qui voulait un vélo. Mais voilà que son père est tué dans un accident et que cet avion devient le dernier lien qui le relie à lui. Du coup, il s’aperçoit que l’objet à des pouvoirs magiques et qu’il vit…

Je n’ai rien contre les contes enfantins mais encore faut-il qu’ils soient portés par une croyance et une mise en scène pour que cet univers fantaisiste existe à l’écran. On peut penser ce que l’on veut du cinéma de Tim Burton mais lorsqu’il tourne Edward aux mains d’argent ou Charlie et la chocolaterie, on ne peut nier qu’il y a derrière une pensée pour donner forme à ses contes. Il ne s’agit même pas d’une question de moyens mais de point de vue et, je le répète, de croyance.

Personne n’y croit dans l’avion : la mise en scène est plate comme une pensée de championne de natation, la narration terne comme un vulgaire téléfilm et les acteurs expressifs comme de vieilles charentaises. Même Isabelle Carré, la plus gracieuse de nos comédiennes, peine à faire croire qu’elle souffre lorsque son mari meurt, qu’elle est inquiète pour son fils ou rassurée lorsqu’il  parvient à faire son deuil.

Je ne sais pas comment bien l’exprimer mais ça ne fonctionne pas. Kahn ne parvient pas à choisir un point de vue (vraie fantaisie dans le style BD ou projection mentale d’un univers enfantin) et son film sombre tout de suite dans le ridicule (les attaques de l’avion contre le « méchant » font songer aux pires séries Z américaines des années 50)

On parvient à distinguer ce qu’il semble vouloir nous dire (l’avion est le symbole du deuil que l’enfant doit parvenir à effectuer) mais il se montre tellement incapable de le mettre en scène que ça en devient consternant.

Non, décidément, l’avion est un film impossible et ne peut s’expliquer que par l’absence d’un producteur compétent…

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