Si j’étais un espion (1967) de Bertrand Blier avec Bernard Blier, Bruno Cremer, Claude Piéplu, Suzanne Flon

 

Attention, véritable curiosité.

Si j’étais un espion est le deuxième film de Bertrand Blier et son premier long métrage de fiction, tourné quatre ans après son documentaire Hitler…Connais pas. Etrange objet dont l’échec fut si cuisant qu’il contraignit le cinéaste à se tourner vers la littérature et à adapter beaucoup plus tard (7 ans) pour l’écran (avec le triomphe que l’on sait !) son propre roman : ce sera les valseuse.

Si j’étais un espion déroute au premier abord car c’est un film inclassable. Au premier abord ; présence de Bernard Blier oblige, on songe à une comédie d’espionnage à la Lautner dont Blier fils fut le scénariste (Laisse aller…c’est une valse). Mais très vite, on réalise qu’il emprunte une autre direction, beaucoup plus étrange et insolite et que son film n’est ni drôle, ni un vrai film d’espionnage…

Bernard Blier incarne ici un médecin sans histoire dont l’existence bascule lorsqu’il découvre qu’un de ses patients est recherché par des hommes mystérieux (espions ? flics ?) et quand il est persécuté à son tour par ces hommes qui cherchent à lui tirer les vers du nez alors qu’il ne comprend rien aux tenants et aboutissants de cette histoire…

Le film est donc le récit d’un homme traqué et surveillé sans arrêt, le parcours d’un homme ordinaire prit soudain dans les mailles d’un filet kafkaïen dont les enjeux lui échappent comme ils échappent aux spectateurs. Car la grande force de ce petit film, c’est de ne jamais tenter de donner une explication logique aux évènements et de laisser celui qui les découvre dans l’expectative. Rien ne nous sera dévoilé de ces hommes qui menacent le docteur et nous ne saurons pas pourquoi il recherche son patient même si la piste politique est évoquée (il a passé le « rideau de fer » un été). C’est moins la résolution dramatique de son récit qui intéresse le cinéaste que d’aller au bout d’un engrenage de bizarreries.

Et même s’il ne le fait pas encore avec la virtuosité qui sera celle de son chef-d’œuvre absolu (je parle de Buffet froid), Blier joue déjà la carte de l’absurde et d’une logique dont les clés nous demeurent inconnues.

C’est intéressant, d’autant qu’il est épaulé par son père, acteur comme toujours fabuleux et qui s’avère ici parfait pour incarner l’inquiétude puis la véritable peur lorsqu’il comprend que sa propre fille est également menacée.

Le film est donc, comme je le disais plus haut, une curiosité assez mineure comparée aux grandes œuvres de Blier mais qui a le mérite de l’insolite même si la mise en scène -soignée mais très classique- n’est pas toujours à la hauteur d’un scénario assez astucieux dans son obscurité.

On pourra néanmoins voir aussi dans Si j’étais un espion les prémisses d’une inquiétude quant aux possibilités de surveillance et de manipulation qu’autorise désormais le développement exponentiel de ce qu’on n’appelait pas encore les « nouvelles technologies ». Ce n’est donc pas rien.

Il ne me reste maintenant plus qu’à découvrir Calmos et j’aurais vu toute l’œuvre de Blier.

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