Objectif lune
Coffret « Voyages vers la lune ». (Editions Artus Films) (Sortie le 4 septembre 2012)
* De la terre à la lune (1958) de Byron Haskin
* Project Moonbase (1953) de Richard Talmadge
* Mutiny in outer space (1965) d'Hugo Grimaldi
* Missile to the moon (1958) de Richard E. Cunha
A l'heure où Neil Armstrong vient de nous quitter, les indispensables éditions Artus, après nous avoir fait voyager sur Mars (voir ici), nous rappellent que les voyages spatiaux vers la lune ont toujours exercé une certaine fascination chez les cinéastes mais aussi chez les écrivains (Cyrano de Bergerac, Jules Verne, Wells...). Nous ne vous ferons pas l'affront de vous rappeler que ce fut Méliès qui inaugura avec Le voyage dans la lune (1902) une longue série de films de science-fiction centré autour de la découverte de ce satellite mystérieux (ah si, c'est fait!).
Les films présentés dans ce coffret relèvent tous de la série B voire Z. Un titre comme Project Moonbase, avec sa durée réduite (tout juste une heure), est le type même du film de « double programme » qu'allaient voir les étudiants américains dans les drive-in.
Le plus ambitieux du lot est assurément De la terre à la lune de Byron Haskin. Comme Méliès, le cinéaste adapte ici le roman éponyme de Jules Verne et bénéficie d'un casting de luxe : Joseph Cotten et l'immense George Sanders. Alors qu'on attendait un film jouant à fond la carte du dépaysement et du merveilleux (un peu à la manière du Voyage au centre de la terre de Levin) ; Haskin réalise un film beaucoup trop bavard et assez pantouflard au niveau de la mise en scène. Ce cinéaste prouve une fois de plus qu'il n'a jamais été une foudre de guerre (voir sa médiocre Guerre des mondes ou encore La conquête de l'espace) et qu'il a bien trop souvent tendance à se focaliser sur un discours moralisateur assez assommant. Si les films mettant en scène la confrontation entre les terriens et les martiens ont souvent utilisé le genre pour tenir un discours assez limpide sur la Guerre Froide et les dangers du communisme ; Haskin se sert du roman de Verne pour évoquer la question du nucléaire dans le même contexte géopolitique.
Malgré les qualités de ses comédiens, il ne parvient ici qu'à opposer sommairement deux personnages caricaturaux. D'un côté, Cotten incarne la vison « scientiste » du monde, zélateur indéfectible du progrès technologique et qui répond à la question du « risque nucléaire » par les arguments de ceux qui croient en la dissuasion (si tout le monde possède cette puissance de feu, personne n'osera s'en servir!). Inversement, Sanders incarne une version « passéiste » de la science et met en garde contre les dangers du nucléaire et de défier le créateur. Cette vision manichéenne ne gênerait pas tant si le film ne souffrait pas de l'omniprésence d'un discours pseudo-scientifique (qui fera sans doute beaucoup rire les spécialistes) ni d'effets-spéciaux aussi rudimentaires (un petit cigare en métal avec quelque flammèches fait office d'une fusée en mouvement!).
Plus que la destination finale (qui ne sera finalement explorée que dans Missile to the moon), ce sont les voyages qui intéressent les cinéastes, et notamment la dimension de danger au cœur même de l'équipage. Dans De la terre à la lune, c'est Sanders qui endosse le rôle du traître prêt à sacrifier sa vie et celle de sa fille (montée au dernier moment dans la fusée) pour faire triompher sa conception de la science.
Dans Project Moonbase du mystérieux Richard Talmadge, c'est un scientifique qui, au dernier moment, est remplacé par son sosie par les « ennemis de la liberté ». Ce traître va tenter de faire échouer la mission tandis qu'une comédie du remariage va se nouer entre deux membres de l'équipage. Pas désagréable à suivre, ce petit film désuet (pour ne pas dire totalement ringard) ne s’embarrasse pas de la crédibilité et oublie totalement en cours de route son histoire de trahison et de sabotage. Les effets-spéciaux sont à peine plus élaborés que dans un film de Ed Wood et le résultat est destiné en priorité aux amateurs pervers (j'en suis!) de séries Z fauchées.
Dans Mutiny in outer space (attribué à Hugo Grimaldi mais peut-être réalisé par le scénariste Arthur C.Pierce), le danger vient d'un fongus monstrueux que deux cosmonautes en mission ont attrapé et ramené dans leur vaisseau. Là encore, l'amateur de curiosités cinématographiques ne pourra pas s'empêcher de sourire en voyant la prolifération improbable de cet enchevêtrement végétal improbable. Tandis que la monstrueuse entité menace à la fois l'équipage et la terre entière, un commandant choisit cet instant pour enfermer ceux qui rendent public ce danger ! Même si le film est parfois un peu confus, on finit par prendre (un peu) goût à ces affrontements et on aperçoit, ça et là, quelques jolis points de montage (un raccord entre le jet d'un extincteur et le décollage d'une fusée) qui suscitent l'intérêt en dynamisant l'action. Très mineur mais pas désagréable.
Missile to the moon a été réalisé par un spécialiste du cinéma « bis » : Richard E. Cunha (on lui doit un mythique La fille de Frankenstein et She demon). Le début du film est croquignolet : un scientifique qui ne veut pas céder le fruit de ses recherches au gouvernement (en gros, il a construit une fusée dans son jardin !), profite de l'arrivée impromptue de deux repris de justice (il est certain qu'on pense tout de suite à se cacher dans une fusée lorsqu'on est en cavale!) pour monter une expédition sur la lune. Mais au moment où la fusée démarre, son confrère et sa femme s'introduisent également dans la soute de ladite fusée !
Sur la lune, ça devient encore plus drôle puisque nos quatre rescapés (l'inventeur n'a pas survécu au passage de la barrière d'astéroïdes) rencontrent des hommes-pierres se déplaçant presque aussi rapidement qu'un zombie de Romero (c'est dire si on ne comprend pas pourquoi ils n'arrivent pas à leur échapper) avant de tomber sur un repère de belles Sélénites.
Totalement improbable (le soleil devient un incroyable danger sur la Lune!) et kitsch à souhait (nos habitantes extraterrestres sont habillées assez court et elles se chamaillent pour obtenir les faveurs des terriens) ; Missile to the moon se révèle pourtant assez divertissant. C'est à la fois très mal fichu mais d'un charme constant, entre créatures improbables (ah ! La grosse araignée en caoutchouc) et figurantes qui s'échinent tant bien que mal à croire à leur rôle (et ce n'est pas gagné!) .
Comme tous les réalisateurs des films de ce coffret, on dira que Cunha ne parvient pas à décrocher la lune mais que le charme discret de la ringardise fait, une fois de plus, son petit effet...