Gwen, le livre de sable (1985) de Jean-François Laguionie (Editions La Traverse/ Editions de l’œil)

© La Traverse / Editions de l'Oeil

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Une fois de plus, il convient de saluer la qualité du travail éditorial effectué ici. Le DVD du premier long-métrage de Jean-François Laguionie, cinéaste d’animation remarqué grâce à ses courts-métrages (La Traversée de l’Atlantique à la rame obtint la palme d’or à Cannes en 1978) est accompagné par un superbe livre où le réalisateur revient sur la genèse de son film et les étapes de sa réalisation. Ce récit est accompagné d’une multitude de documents (croquis, dessins, extraits du story-board…) qui forment un ensemble à la fois instructif et d’une grande beauté.

Par ailleurs, le film est accompagné de suppléments où l’on pourra entendre deux entretiens avec Laguionie et découvrir l’un de ses premiers courts-métrages réalisé en 1969 : Une bombe par hasard. Avec ces perspectives à la Chirico et sa description d’une ville désertée depuis que trône au milieu d’une place une bombe prête à exploser, ce film est une petite merveille. En un peu plus de sept minutes, Laguionie parvient à installer une atmosphère, à souligner le caractère absurde et éphémère des institutions humaines et à fustiger l’appât du gain qui mènera le monde à sa perte. En effet, c’est lorsqu’un voyageur commencera à s’en prendre à l’argent que tous les habitants de la cité reviendront sur les lieux et se battront avant la grande explosion.

On retrouve dans Gwen, le livre de sable cette dimension de fable post-apocalyptique. La planète a été transformée en un immense désert où survivent quelques nomades à la merci d’une entité mystérieuse qui déverse des flots d’objets venus de nos sociétés de consommation. Gwen, une jeune fille voilée, est adoptée par une tribu et se lie d’amitié avec un garçon qui finira enlevé par l’entité. Gwen décide alors de partir à sa recherche…

Mêlant le dessin-animé traditionnel et les papiers découpés, Laguionie nous propose une œuvre artisanale réalisée à la gouache. Pour les habitués du cinéma d’animation contemporain, le choc risque d’être un peu rude dans la mesure où le film est plutôt lent, un peu raide (les personnages se meuvent parfois sur des toiles peintes immobiles) et un poil sentencieux. Narré par une vieille sorcière (voix de Michel Robin !), le récit aborde des thèmes qui peuvent avoir de nombreuses résonnances contemporaines puisqu’il y est question de désastre écologique, d’un univers déserté par des dieux remplacés par une marchandise périssable…

Pour être tout à fait honnête, tout ça n’est pas vraiment ma tasse de thé et je trouve que le film a pris un petit coup de vieux, renvoyant à une esthétique d’une certaine BD des années 80 (style Métal Hurlant, Moebius ou Druillet). Après, certaines visions quasi surréalistes (les multiples produits de la société de consommation devenus objets de culte par une humanité qui n’en connaît plus l’usage et qui nous valent un savoureux détournement de chant religieux où un catalogue d’objets manufacturés devient une sorte de Bible) et la beauté de certaines images maintiennent un certain intérêt.

Reste donc la découverte du premier essai (en long-métrage) d’un des grands noms du cinéma d’animation français et cela devrait suffire à piquer la curiosité de tous les amateurs du genre…

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