Le Gang Anderson (1971) de Sidney Lumet avec Sean Connery, Christopher Walken (Editions Sidonis Calysta) Sortie en DVD/BR le 2 mars 2021

© Sidonis Calysta

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Deuxième collaboration de Sidney Lumet avec Sean Connery (il tournera cinq fois sous sa direction) après La Colline des hommes perdus, Le Gang Anderson se pare des atours du « film de casse ». John Anderson, alias « Duke », sort de prison après une peine de dix ans. Retrouvant son ancienne maîtresse Ingrid (Dyan Cannon) dans un appartement cossu, il projette de dévaliser tout l’immeuble. Pour cela, il forme un nouveau gang avec l’appui de la pègre locale.

Contrairement au film suivant du duo Lumet/Connery (The Offence), Le Gang Anderson frappe d’abord par sa légèreté. Même si Duke tient des propos qui laissent d’abord entrevoir un sous-texte social (l’idée que les vrais cambrioleurs ne sont pas pires que les voleurs admis par la société comme les boursicoteurs), Lumet ne se prend pas au sérieux et joue la carte de l’efficacité mâtinée d’humour. Non sans un certain flegme, Anderson réunit autour de lui une équipe où se mêlent seconds rôles savoureux (l’antiquaire maniéré et homosexuel) et jeunes chiens fous (Christopher Walken qui tenait là son premier rôle important au cinéma).

La construction du récit est très classique : organisation du cambriolage, repérages divers et mise en pratique. Tout en restant constamment une œuvre mineure, Lumet fait preuve d’une indéniable efficacité dans l’exécution de sa mise en scène. La dernière partie du film est la plus captivante et le cinéaste joue d’ailleurs avec quelques éléments de montage astucieux, gelant certains plans afin de nous projeter dans une autre temporalité (flash-foward sur les policiers interrogeant les témoins du casse) avant de revenir au cœur de l’action. Le spectateur sait que tout est joué mais ignore pourtant constamment l’issue de ce vol de grande envergure.

Sans vouloir dévoiler la fin pour ceux qui n’auraient pas encore vu le film (vous pouvez sauter ce paragraphe !), Lumet n’est pas un optimiste et l’entreprise menée par Anderson et ses comparses ne pouvait que se solder par un échec. Avec ce finale dérisoire, le cinéaste marche sur les pas d’un John Huston (Le Trésor de la Sierra Madre) et teinte son récit d’une légère noirceur désabusée.

Outre une superbe bande originale signée Quincy Jones qui mêle sonorités électroniques dissonantes, introduisant une étrangeté dans le déroulé de la narration, et des thèmes plus groovy qui accélèrent le rythme du récit ; le plus intéressant dans Le Gang Anderson tient à un autre élément : le tableau effrayant d’une société où le moindre fait et geste de chaque individu peut être surveillé et enregistré. L’immeuble auquel s’attaque Duke est protégé par de nombreuses caméras mais, au-delà de ça, tous ces gangsters sont constamment surveillés, sans que cela soit d’ailleurs par les mêmes personnes ni pour les mêmes raisons. L’intelligence de Lumet est de ne pas trop en dire et de rendre assez nébuleux tous ces groupes (polices parallèles, agents secrets, police politique voire amant jaloux !) qui espionnent les personnages. Cet aspect donne un côté paranoïaque au film qui s’accorde parfaitement avec l’époque puisque quelques mois après la sortie du film éclaterait le scandale du Watergate.

Là encore, cette surveillance généralisée finit par s’annihiler et le film se conclut sur une note très ironique. On ne le considérera pas comme une pièce essentielle de l’œuvre de Sidney Lumet mais comme un thriller décontracté et habile qui fait passer un très agréable moment.

 

NB : En bonus, des présentations de François Guérif, de Patrick Brion (qui affirme avoir été bluffé par le film au moment de sa sortie mais qui, depuis, le trouve un peu démodé) et -plus longue- une analyse de l’incontournable Bertrand Tavernier qui paraît un peu fatigué (aussi intéressante soit-elle, sa présentation traîne un peu la patte).

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