Demonia (1990) de Lucio Fulci avec Brett Halsey, Meg Register (Éditions Carlotta films)

 

© Carlotta Films

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Lorsqu'il tourne Demonia en 1990, Lucio Fulci n'est déjà plus que l'ombre de lui-même. Ses années fastes (la décennie 70', le début des années 80) sont déjà un lointain souvenir. A partir de la seconde moitié des années 80, il enchaîne les projets douteux (Murder Rock, Aenigma...) et finira par tourner pas mal pour la télévision. De cette fin de carrière tristounette, on ne sauvera que Le Miel du diable, thriller érotique de bonne facture et assez sous-estimé.

Demonia, sur le papier, avait de quoi titiller notre curiosité puisque le cinéaste semble renouer avec le cinéma d'horreur qui fit sa renommé (L'Au-delà, Frayeurs...). Dans un couvent sicilien au Moyen-âge, des nonnes sont massacrées et brûlées par les villageois qui les soupçonnent d'avoir pactisé avec le diable. En 1990, une équipe d'archéologues se rend sur ces lieux chargés d'histoires mais les habitants craignent que la malédiction les frappe à nouveau. Parmi l'équipe, Liza, une jeune femme éprise de spiritisme, est assaillie par de terrifiantes visions.

 

Ce qui frappe d'abord dans Demonia, c'est son esthétique soignée (la photo est plutôt belle si on accepte un certain maniérisme estampillé début des années 90, avec un abus d'éclairages bleuâtres) mais particulièrement lisse. Chez Fulci, on attend toujours une certaine agression visuelle, un traitement de choc pour le spectateur et des excès sanglants. La grandeur de son cinéma demeure dans cet équilibre entre le viscéral et les visions macabres. Avec Demonia, il met la pédale douce sur le gore et les scènes véritablement horrifiques sont plutôt rares, sans compter qu'elles sont parfois exécutées de manière assez sommaire, à l'image de cet écartèlement qui provoque le déchirement du buste d'un homme pris au piège et où la prothèse est particulièrement visible. Le film a parfois des allures d'honnête téléfilm, avec quelques passages assez réussis, notamment lorsque Fulci joue la carte de l'onirisme ou qu'il parvient à tirer le meilleur parti de beaux décors (un amphithéâtre antique, une vieille bibliothèque où apparaît une mystérieuse et inquiétante femme).

Dans le même ordre d'idée, le cinéaste ne peut, malgré tout, s'empêcher de se livrer à quelques excès. On sait que les énucléations furent une sorte de signature, une manière qu'il eut de systématiquement « punir » le spectateur par où il avait péché (l’œil). Dans une des meilleures scènes du film, la femme qui révèle les dessous de la malédiction finit par être attaquée par ses propres chats (là aussi, un « classique » de ce cinéma horrifique italien où les animaux les plus familiers représentent soudain la plus dangereuse des menaces). Les chats commencent donc par lui sauter au visage et la griffer (l'effet n'est d'ailleurs pas très heureux) avant que l'un d'entre eux plante ses griffes dans l’œil de la victime pour extraire doucement le globe oculaire de son orbite. Même avec des effets-spéciaux pas extraordinaires, cette scène produit sa petite sensation. Le reste est nettement plus routinier et ne brille pas par sa cohérence. Prenons un seul exemple : lorsque l'archéologue, voyant les cadavres se multiplier autour d'eux, annonce à Liza qu'ils vont fuir, c'est elle qui refuse de partir alors que pendant tout le récit, elle a senti la menace, averti tout le monde et s'est rendue en Sicile à reculons.

Le film n'est ni enthousiasmant mais ni vraiment ennuyeux. Il se suit d'un œil distrait et l'amateur de l’œuvre de Fulci tente tant bien que mal de se raccrocher à quelques motifs qui firent la beauté de ses plus grands films (l'outrance gore à l'image de ce moment où un homme se voit clouer à une planche par la langue, le goût du macabre que l'on retrouve dans les visions de la crypte du couvent, l'angoisse face à la mort et au monde des ténèbres qui nous attend...)

Par intermittence, Demonia retrouve quelques éclats de cette gloire passée mais dans l'ensemble, le film est plutôt oubliable : pas totalement raté (encore une fois, il est plutôt soigné) mais finalement assez anodin.

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